L’âge Defferre

juin 2006
Lopozan est déterminé. Cette fois, il va le pulvériser le vieux et lui piquer sa mairie pour de bon. Aussi, il a réuni les différentes factions de la gauche pour une réunion sobrement intitulée : « battre Lélu ».

Lopozan accueille ses partenaires. Il les connaît depuis l’an pèbre, des années qu’ils font de la politique ensemble. Cependant, le T-shirt « le pastis oui, le coca non. Halte à la mondialisation » d’un nouveau venu dénote un peu. Lopozan est un tantinet étonné, il avait entendu parler de Miquèu Moure, cinéaste engagé vivant à la Ciotat et actuel leader du mouvement alter-mondialiste en Paca. Mais quand même, venir à une réunion sérieuse où on se partage des sièges avec une veste en laine…

Lopozan (à l’oreille de son fidèle ami, Giorgio) : Oh, bonne mère… c’est quoi ce chiapacan ? Eh bè, on n’est pas rendus ! (s’adressant ensuite à l’assemblée) Merci à tous d’être venus. J’ai pris l’initiative d’une réunion d’union de la gauche parce qu’unis on est plus forts. Je me rappelle quand nous régnions sur la région d’Arles à Toulon. C’était le bon temps. Lélu n’était que conseiller municipal et Bogosse s’explosait encore les boutons devant son miroir. Grâce à Raffarin, on a pu se refaire une santé. Sinon, c’était pas la joie. Toutes les grandes mairies à droite, le Conseil général des Bouches-du-Rhône menacé. Ils ont même fait un redécoupage électoral pour nous niquer. Ah, on les a bien eus ! (reprenant son souffle) J’ai réfléchi. J’ai regardé, la droite avait fait de jolis programmes : Marseille Bouge, Toulon en Avant, Nice aujourd’hui et demain. On pourrait mettre Marseille bouge demain, Nice droit devant et Toulon sera toujours Toulon. C’est pas mal, non ?

Miquèu Moure : Euh, mais ça ce sont des slogans, pas des programmes…

Lopozan (se contenant) : Ah, oui, le programme… et bè, c’est simple, le voilà le programme : battre Lélu.

Miquèu Moure : Euh… nous, à « changer le monde autrement », on écrit des programmes un peu plus longs.

Lopozan (légèrement rouge) : Bon ! « Battre Lélu tous ensemble », ça vous va, les haltères mondialistes ?

Miquèu Moure : Il me semble qu’une concertation avec tous les acteurs de notre courant serait nécessaire. Nous ne pouvons réduire notre programme à une entreprise de communication.

Lopozan : Bon, écoute moi, Mickey. Moi, la politique, ça fait deux siècles que j’en fais ! Môssieur veut sans doute esspliquer comment on gagne les élections ! (il tousse et prend une bouffée de Ventoline)

Miquèu Moure : Justement, le problème avec vous c’est que vous êtes encore à l’âge de fer de la politique.

Lopozan (il explose) : Oh là, morveux, tu parles meilleur de Monsieur Gaston ! Monsieur Deferre était un grand homme. C’est grâce à lui que nous sommes tous là.

Giorgio : Eh, doucement ! On est là pour faire l’union. Il faut faire des concessions.

Lopozan : Oui, d’accord… Battre Lélu et sortir de l’âge Deferre, je suis au massimum.

Miquèu Moure : Vous avez déjà perdu deux fois, il faut perdre une troisième fois pour que vous vous remettiez en cause ? Les gens pensent qu’une autre politique est possible. Un monde où les élus feraient des programmes et les appliqueraient. Où des décisions courageuses seraient prises et expliquées au peuple.

Lopozan : Un programme, et en plus il faudrait l’appliquer ? Vous allez pas durer longtemps en politique, vous. Et puis, votre veste en poils de lama, ça va pas. Un autre costume est possible. Offan ! Venez, on parle d’autre chose, je vais attraper une estoumagade.

Miquèu Moure (qui commence lui aussi à s’énerver) : Je présage que nous allons, comme d’habitude présenter une liste indépendante.

Lopozan : Ouais ! Et sur le bulletin, tu colleras des poils de lama, ça fera plus doux.

Miquèu Moure (il claque la porte bruyamment tout en maugréant) : Fascistes, vendus, néolibéraux !

Lopozan : Tu vois Giorgio, l’union avec ces gens-là, on peut pas. Y sont pas comme nous, ils sont incapables de négocier et d’être réalistes.

Giorgio : Mais pour le programme, on fait quoi ?

Lopozan : Allez va, le voilà le programme : battre Lélu ! Pour le reste, on fait comme d’habitude…

Propos recueillis par Sam Ravi en direct du faux plafond de la fédération et retranscrits par Elsa Poutchkovsky et Guillaume Hollard

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