Je te vois !
Le 3 juillet, fin du suspens. Crier en plein jour « Sarkozy, je te vois ! » dans une grande gare comme Saint-Charles est-il « un tapage injurieux diurne troublant la tranquillité d’autrui » ? C’est en tout cas le point de vue de l’officier du ministère public qui a réclamé 100 euros d’amende contre le prévenu, un professeur de philosophie marseillais. Ce dernier s’est ainsi permis d’interpeller des policiers en train de pratiquer le contrôle d’identité « un peu viril » de deux gamins. L’injure, a expliqué doctement le représentant du Parquet, peut être constituée simplement « en se montrant désagréable (…) même sans user de terme offensant ». En clair, seule l’intention suffit. Vous vous souvenez de Minority Report, le film de Steven Spielberg ? Des super flics, secondés par des voyants, écrouaient les criminels avant même qu’ils ne soient passés à l’acte. Nicolas Sarkozy et Tom Cruise ont peut-être d’autres points en commun que la taille…
L’obsession sécuritaire nous plonge en pleine science-fiction. Quatre éditeurs basés à Forcalquier, dans les Alpes-de-Haute-Provence, ont été embarqués au petit matin pour « menace de commettre un délit ou un crime » et placés en garde à vue à Marseille. Il s’agit de François Bouchardeau et sa femme Johanna, de HB éditions, et de Samuel Autexier et de sa sœur Héléna, de la revue Marginales. Un cinquième « complice » a bénéficié du voyage. Leur crime ? Avoir en tant que membres du « Comité de sabotage de l’antiterrorisme » manifesté leur soutien à Julien Coupat, le Ben Laden de Corrèze, en voulant faire de l’humour. Ils ont photographié un de leurs tracts devant l’interphone de la maison secondaire de Bernard Squarcini, le grand chef du renseignement français. La diffusion de cette image ne lui a pas plu.
On ne plaisante pas avec les barbouzes ! Les cinq impertinents ont été relâchés sans être mis en examen, faute de motif. Depuis ces péripéties, le fameux Julien Coupat est sorti de prison. On peux ne pas partager sa vision politique du monde. On peut trouver crétin le sabotage des caténaires de la SNCF, dont rien ne prouve qu’il soit coupable. Mais le traitement d’exception dont lui et ses amis ont été victimes est intolérable. Il menace nos libertés. Et parmi elles, une des plus précieuse : la liberté d’expression.
le Ravi