Etudiants : A la recherche du paradis perdu
« Un des charmes d’Aix est d’avoir une population jeune et ses campus dans le centre ville. » Maxime Plantard, jeune adjoint « délégué à la vie étudiante et à l’espace public en prolongement du commerce sédentaire excepté les terrasses » (sic), est encore sous le charme de la vie étudiante aixoise. Il n’est pas le seul. « Aix est une ville vraiment sympa pour les étudiants, elle bouge bien la nuit », confirme Souheil Chabanne, président de Student In Aix, une association d’accueil des étudiants étrangers, connue pour ses soirées. « Aix est une des rares villes en France qui peut se qualifier de ville étudiante, il y règne une ambiance particulière. A partir de fin juin, même si les touristes remplacent les étudiants, elle n’est plus la même », soutient Vincent Labouret, directeur du Centre régional des ?uvres universitaires et sociales (Crous). Avant de confier, plus prosaïque : « L’augmentation du coût de la vie rend Aix de moins en moins attractive. »
Les 41000 étudiants pèsent près d’un quart de la population de la ville d’eau. 30 % sont boursiers et 12000 font chaque année appel aux services du Crous. « Malgré l’amélioration des dispositifs d’aide (droit à l’erreur pour les étudiants boursiers, prise en compte des situations de rupture familiale, aides d’urgence), depuis quatre ou cinq ans il y a une augmentation des demandes », s’inquiète Sabine Schlosser, assistante sociale du Crous. Pour elle, le seuil critique a donc déjà été dépassé. « Ces dernières années, j’ai même orienté des étudiants vers les Restos du C?ur », déplore-t-elle.
La paupérisation de la population étudiante, dénoncée au niveau national, est accentuée à Aix du fait d’une spécialité locale : la cherté des loyers. « Ils sont à peu près équivalents à ceux de Paris. Le prix d’une chambre chez l’habitant revient à 400 ou 450 euros par mois, indique Vincent Labouret. En septembre, j’ai reçu des courriers d’étudiants indiquant que s’ils ne trouvaient pas à se loger, ils ne feraient pas d’études. » D’autres préfèrent multiplier les allers-retours journaliers au domicile parental, parfois jusque dans les Hautes-Alpes, ou délocaliser leur résidence à Marseille. Avec 3600 chambres universitaires, Aix affiche un besoin de 2000 logements étudiants supplémentaires. Le problème ne semble cependant pas alarmer la mairie, qui se contente de cofinancer avec le Crous et l’Opac Sud une Cité internationale de 500 chambres (premières livraisons en 2007, dernières dans 7 ou 8 ans). « C’est aussi le problème numéro 1 des cadres, des salariés et des fonctionnaires. Il y a un phénomène de rareté, et la ville n’y peut rien », tranche Maxime Plantard, l’adjoint délégué à la vie étudiante. Avocat de profession, il accuse, à sa manière, l’augmentation du coût de la vie : « Une chemise Hermès coûte aujourd’hui 150 non pas francs, mais euros ! » Propriétaire d’une Maison aixoise de l’étudiant, lieu mis à la disposition des étudiants fonctionnant avec des employés municipaux, la municipalité a réduit son action au minimum : un « Espace info services » à la rentrée et la centralisation des offres de location… « Mon budget s’élève à 15000 euros, à la MAE et au financement ou à la participation logistique d’initiatives associatives, justifie l’élu. Aix a une mairie plutôt libérale qui considère que l’argent public ne peut pas servir à tout faire. Elle a décidé de concentrer l’impôt sur ses tâches régaliennes comme la sécurité ou la propreté. »
C’est d’ailleurs dans ces domaines que l’équipe Joissains préfère intervenir en faveur de ses étudiants… « Le conseil municipal a évalué les sources de nuisances à Aix. Il y en a eu trois : les voitures, les merdes de chiens et… les étudiants », rappelle Sylvain Apostolo, du syndicat Sud Etudiants. « Il y a deux ans, pour de vagues raisons d’ordre public et contre mon avis, Maryse Joissains a supprimé les trois jours de fête qui sonnaient la rentrée universitaire », confie de son côté Maxime Plantard avec une surprenante franchise. « La vie étudiante se meurt », dénonce le jeune syndicaliste de Sud. Indice du dynamisme d’une ville universitaire, celle-ci est en effet loin d’illuminer Aix. Jugée « globalement positive » par l’adjoint à la vie étudiante, elle se résume en fait aux soirées étudiantes privées. « Les réductions pour le cinéma, par exemple, disparaissent, et la ville retire, au profit d’une culture d’élite, tous les fonds aux petites associations qui permettaient d’avoir des activités bon marché », constate Sylvain Apostolo.
Problèmes de logement, précarité, vie étudiante délaissée… Une situation qui indigne Cyril di Méo, conseiller municipal d’opposition Vert : « C’est hallucinant de laisser 40000 jeunes en friche ! Il s’agit d’une politique volontairement non assumée qui organise une ségrégation sociale en pensant les étudiants uniquement en termes de rente de situation. Il ne faudra pas s’étonner si Aix est dépouillée de son étiquette de ville universitaire. » Perspective redoutée par beaucoup depuis que Marseille a décidé de rattraper son retard en concurrençant Aix sur ses filières traditionnelles (notamment le droit), le risque est totalement écarté par Maxime Plantard. « On a beaucoup épilogué à ce sujet. Mais la ville n’a perdu qu’une centaine d’étudiants l’année dernière », assure-t-il. Elle manquait probablement de poubelles pour les loger…
Jean-François Poupelin