Et maintenant ?
Au Conseil général
Jean-Noël Guérini peut-il rester président du Conseil général des Bouches-du-Rhône en étant mis en examen pour « prise illégale d’intérêt, association de malfaiteurs, trafic d’influence » ? Juridiquement oui. Politiquement, cela dépend du point de vue. « Je ne vois pas pourquoi il y aurait un changement, tranche Samia Ghali, sénatrice PS. Une mise en examen ne présume pas la culpabilité. Jean-Noël Guérini n’est pas condamné, n’est pas coupable, il ne doit pas quitter ses fonctions. »
Pourtant le rapport de la commission interne du PS sur le fonctionnement des Bouches-du-Rhône, adopté par 27 des 28 membres du bureau national du PS début juillet avec l’approbation de Jean-Noël Guérini en personne, comporte la préconisation suivante : « Si des faits critiquables lui apparaissent établis, (une) direction politique doit demander à l’intéressé de se placer de lui-même en position de réserve de ses responsabilités politiques le temps d’assurer sa défense. Si le mis en cause s’y refuse, les dirigeants du parti peuvent faire savoir qu’ils ont souhaité cet acte volontaire. » Un passage qui visait alors Alexandre et pas Jean-Noël…
A droite, quelques élus souhaitent encore garder un peu de retenue. Comme Bernard Reynès, député UMP dans le « 13 » : « Et la présomption d’innocence de Jean-Noël Guérini ? Cet homme a été respecté, parfois craint. Je n’ai pas trop le goût pour hurler avec la meute. » Un point de vue de plus en plus minoritaire ! Ce dont se réjouit Bruno Gilles, sénateur UMP, bras droit de Renaud Muselier, le député en première ligne contre « le système Guérini » : « le PS s’honorerait d’obtenir la démission de Guérini. Alexandre n’a jamais pu faire autant de saloperies, sans l’aval, le consentement, la couverture de son frère. Il manquait une pièce, le juge Duchaine vient de la placer au centre du puzzle : c’est la tête de Jean-Noël Guérini. Nous n’allons pas nous interdire de pilonner le PS ! Et je me réjouis que nous soyons moins seuls, à droite, à le faire… »
Jean-Noël Guérini à l’annonce de sa mise en examen, le 8 septembre, a déclaré qu’il se mettait en congé du PS mais a réaffirmé avec force qu’il ne démissionnera pas de la présidence du Département, concédant tout juste de déléguer des prérogatives à son premier vice-président. Cela sera-t-il suffisant ? Il devra peut-être se résigner à prendre du recul, si la pression des ténors nationaux du PS ne faiblit pas. Dans cette hypothèse, que l’on ne peut toujours pas exclure, qui pourrait le remplacer au CG ? Un Michel Pezet, une personnalité qui a régulièrement marqué ses distances sans jamais être allé jusqu’à la rupture ? Un Christophe Masse, un fidèle parmi les fidèles du président sortant ? Plus probablement, ce serait un homme comme Hervé Chérubini, maire de Saint-Rémy-de-Provence, non marseillais, moins impliqué dans les joutes politiques locales…
A la fédération socialiste du « 13 »
Un scrutin a conforté, mi-juillet, Jean-David Ciot à la tête de la fédération PS des Bouches-du-Rhône. « Le rapport sur la fédé « 13 » a donc été une vaste rigolade puisqu’il s’est conclu par la réélection de celui qui avait été déjà adoubé par Guérini », dénonce Bernard Deflesselle, député UMP. Conformément aux préconisations d’Alain Richard, une place aux « dissidents » comme Patrick Mennucci ou Marie-Arlette Carlotti a été faite dans l’équipe de direction. La mise en examen de Jean-Noël Guérini va-t-elle bousculer ce fragile équilibre ? « Il faut toujours un homme fort dans un parti politique. Dans le « 13 », c’est Jean-Noël Guérini. Cela ne change pas », affirme Samia Ghali. Jusqu’à quand ?
Jean-Noël Guérini a donc renoncé symboliquement à toutes ses fonctions au sein de la fédération. Mais va-t-il réellement passer le relais concernant, par exemple, le choix stratégique des investitures ? Un scénario est possible : à l’image d’un Georges Frêche dans le Languedoc Roussillon, le président du Conseil général s’accrochant à son titre, bataillant avec les instances nationales du PS auxquelles il refuse d’obtempérer, pourrait être in fine exclu du PS, entraînant avec lui la totalité ou une partie des socialistes du département dans la dissidence. Du pain béni pour l’UMP qui serait ainsi presque assurée de conserver en 2014 la ville de Marseille.
Pour les primaires socialistes et la présidentielle
« A part Montebourg, le seul qui a eu du courage avec Renaud Muselier dans cette affaire, le silence des ténors socialistes est assourdissant », déplore Bernard Deflesselle. Sibyllin, en visite à Marseille, François Hollande a lancé le 22 août : « Si le 8 septembre les faits sont avérés, il faudra prendre des décisions politiques. » Lesquelles ? A la Rochelle, fin août, Martine Aubry a laissé entendre que mis en examen, Jean-Noël Guérini devrait « se mettre en congés du PS ». Et démissionner de ses fonctions ? « Celle qui est la plus carbonisée, c’est Martine Aubry, s’amuse Bruno Gilles. Elle a été élue 1ère secrétaire avec le soutien de Guérini. Elle a le cul merdeux ! » Coup de théâtre Harlem Désir, le patron national du PS par intérim, lève toute ambiguïté le 29 août : « S’il est mis examen, je demanderai immédiatement à Jean-Noël Guérini de se mettre en retrait de ses responsabilités et de sa fonction du président du CG. » Il a depuis reformulé avec force la même position. Le cas Guérini est devenu un enjeu de la campagne des primaires. Arnaud Montebourg a annoncé qu’il tiendrait, fin septembre à Marseille, une réunion politique sur la corruption… Ambiance.
Michel Gairaud
Pour en savoir plus, lire dans le mensuel le Ravi actuellement en vente, notre article Jean-Noël Guérini, serein, mis en examen mais cerné.
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