En Paca, priorité au débat

mars 2006
Les musulmans de la région ont fait parler leur raison avant leur sentiment. En exprimant avec modération leurs divergences...

Le monde musulman s’est enflammé pour quelques traits de crayon. Avec à l’arrivée un fossé d’incompréhension encore plus large entre musulmans et occidentaux. Provocation médiatique pour les uns, intolérance fanatique pour les autres. Notre région n’est pas en marge du débat. « La liberté, c’est également la responsabilité. Le plus démocrate doit être le plus responsable. Certains journaux n’ont pas joué le jeu », explique Jean Kéhayan, président du Club de la presse Marseille-Provence. Echos identiques pour Hakim el Ghissassi, fondateur de la revue la Médina, directeur du site Sézame : « les passeurs d’idées que sont les médias ne doivent pas sombrer dans les stéréotypes et les exagérations. » 07-8-9rv28charmag_bouddhist.jpg Du côté des musulmans de la région, pas de manifestations ni de slogans vengeurs dans les rues ou devant la représentation consulaire Danoise à Marseille. La mesure et la retenue ont dominé. Alors qu’on manifestait à Paris et Strasbourg (environ 10.000 personnes), à Marseille, certaines associations ont joué, à leur manière, le rôle de modérateurs. Le CRCM (Conseil régional du culte musulman) par la voix de son nouveau président Abderrahman Ghoul et le CORAI (Comité de réflexion et d’action islamique) par le biais de son médiatique président Soheib Bencheikh. tracxclients.jpg « Nos sentiments sont froissés par la banalisation d’un être tel que le Prophète », explique avec sa diplomatie coutumière Soheib Bencheik. Mais l’ancien grand mufti de Marseille rajoute aussitôt : « Dans la religion musulmane, c’est le message qui est au centre pas le messager, la liberté d’expression est fondamentale. » Un point de vue qui est loin de faire l’unanimité. Ali, musulman pratiquant du quartier de Monclar, en Avignon pense exactement le contraire. « Le message et le messager sont unis et indivisibles, affirme-t-il. Qui s’en prend à l’un s’en prend à l’autre. Les occidentaux nous insultent. » Mohamed Moussaoui, secrétaire général du CRCM à Avignon, enfonce le clou : «La liberté d’expression n’est pas absolue, déclare-t-il. La nature même de la représentation avec le contenu est insultante. Nous avons porté plainte. C’est un minimum. » Pour Tahar Rahmani, conseiller municipal de Marseille, tout ceci est un « non événement ». « Quand on est républicain, on respecte le droit d’expression des uns et des autres », note l’élu, également membre du comité de pilotage pour la future grande Mosquée. « Nous faisons appel à la justice, parce que nous sommes républicains, lui répond Abderrahman Ghoul. Si nous sommes allés vers la justice, c’est pour l’avenir. » Et Mohamed Moussaoui d’ajouter : « Il ne faudrait pas que les musulmans vivent toujours en réaction par rapport à de futures provocations, c’est pour ça qu’il faut que la justice se prononce. » Point de vue combattu par Soheib Bencheikh. « Aucune action en justice n’est la bienvenue, nous sommes pour le dialogue », assure-t-il. Et l’ancien grand mufti de Marseille de conclure : « Le génie de la laïcité, c’est que chacun peut défendre sa propre religion dans un esprit de dialogue. » En joignant leurs voix, dans le cadre du dialogue républicain, à celles de leurs coreligionnaires du reste du monde, les musulmans de la région PACA semblent avoir fait parler leur raison, bien plus que leur sentiment.

Rafi Hamal

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