Coup de barre à l’extrême droite

juillet 2003
Si rien ne change d'ici à décembre, c'est un représentant du parti mégrétiste, ancien deuxième adjoint dans la municipalité FN, qui sera élu bâtonnier des avocats toulonnais...

C’est le 21 juin 2003 que les gens de robe ont désigné leur « dauphin » par un vote acquis dès le premier tour, donnant 137 voix à Didier Gestat de Garambé sur 267. Majorité courte, mais majorité quand même, qui démontre qu’une bonne moitié du barreau toulonnais s’accommode gentiment des thèses extrémistes. Au demeurant, Me Gestat avait exposé à ses confrères une théorie d’un ultra-libéralisme à tout crin. Sa concurrente malheureuse (112 voix) avait , elle, bêtement planché sur le respect de la loi. Et, de plus, comme le faisait charitablement remarquer un de ses confrères, c’est une femme. Malgré le port de la robe, nos chers maîtres ne seraient-ils pas un peu machistes ? Flash back. En novembre 1995, notre confrère Charlie Hebdo publie un numéro spécial sur la prise de Toulon par le FN. Wolinski interviewe à sa manière, c’est à dire en dessins, Gestat de Garambé, et rapporte ce propos : « ce qui m’inquiète, c’est de voir que ce pays continue à s’appuyer sur une certaine classe dirigeante noyautée par les juifs ». Que l’on sache, Me Gestat n’a pas démenti . Interviewé par « Cuverville » en octobre 1999, alors qu’il vient de rompre avec le Pen, et que ce dernier a essayé de tenir des propos relativement modérés sur l’immigration, il s’en prend au mage de St-Cloud : « il vient de faire le grand écart sur l’immigration. Le ciment de notre culture est la civilisation judéo-chrétienne, je ne veux pas d’autre modèle ». Se définissant volontiers comme un royaliste, ce qui, dans un autre contexte, pourrait passer pour un aimable folklore, Me Gestat campe droit dans ses bottes et ses convictions.

Faut-il s’étonner de le voir aujourd’hui recueillir la majorité des suffrages de ses confrères ? Certes, de son passé d’élu, il a laissé le souvenir d’un président du syndicat intercommunal des transports qui aura mené à bien avec opiniâtreté les bases du chantier du tramway. Dans l’équipe de pieds nickelés que traînait derrière lui Le Chevallier, il était l’un des très rares élus compétents et bosseurs. Mais il est peu probable que ses confrères du barreau aient été sensibles à son dévouement pour le tramway. L’explication est donc ailleurs. Il est notoire que, sociologiquement, le barreau de Toulon n’apparaît pas comme un repaire de gauchistes. Ces dernières années ont vu s’installer bon nombre de jeunes avocats issus souvent de milieux favorisés, et se souciant peu de tracer une ligne entre la droite républicaine et l’extrême droite.

C’est ce que relevait « Le Monde » en avril 1997 dans une enquête sur la justice à Toulon: « Nombre d’observateurs font part de leurs inquiétudes face à une classe montante de jeunes avocats charmés par les sirènes de l’extrême droite. Un mouvement qui réchauffe le c?ur de Didier Gestat de Garambé : sans adhérer directement à nos idées, ils donnent la plupart du temps des signes de sympathie ». Eh bien voilà, ils ont donné un signe de sympathie. Toutefois, il se dit qu’au sein de l’actuelle municipalité, qui compte quelques avocats, dont la députée Geneviève Lévy, cette péripétie n’aurait été que modérément appréciée et qu’on cherche la parade. Rendez-vous en décembre.

D. Vira

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