Complainte du laboureur bio
« Avant, mes collègues disaient « elle parle » Aujourd’hui, ils disent que j’ai eu raison. » A 57 ans, Geneviève Auberto n’a aucun regret d’avoir répondu en 2004 à la proposition de fournir une Association de maintien de l’agriculture paysanne marseillaise (Amap). Dans une profession habituée à vivre à crédit et endettée, la maraîchère proche de la Confédération paysanne se dégage désormais un revenu moyen de 1 500 Euros mensuel.
Cette sécurité financière est le volet le moins connu des paniers paysans bio. Avec quelques 150 Amap créées en Paca depuis 2001 (première région française) et l’importation du concept par un producteur varois, le phénomène prouve pourtant que les amoureux de la nature ne sont pas que des consommateurs : le maintien de l’agriculture les préoccupe tout autant. Ce que confirme Geneviève Auberto : « Les paniers sont à 20 Euros et parfois ils sont un peu trop justes. Mais la plupart comprennent, ils veulent consommer autrement. Pour moi, c’est primordial. »
Installée à Pernes-les-Fontaines, à côté de Carpentras (84), l’agricultrice exploite six hectares avec l’aide de ses parents et de trois ouvriers agricoles en haute saison. Cela fait maintenant 30 ans qu’elle a fait ce choix en abandonnant son métier d’institutrice et son « ex », un chauffeur, pour avoir « une vie de famille. » D’abord en agriculture raisonnée, puis progressivement, à partir de 1999, en bio (œufs, fraises, courgettes, aubergines et melons). En 2004, elle n’a pas hésité. « J’ai dit oui. J’aime voir les gens, apporter mes produits. J’ai toujours aimé la vente directe », sourit cette petite quinquagénaire au visage légèrement buriné.
Pourtant, en comptant ses paniers (80 par semaine sur deux Amap), Geneviève Auberto n’y a pas que gagné. Elle paie aussi de sa personne : de quatre légumes à cultiver, elle est passée à une vingtaine (melons, pastèques et fraises compris). Sans oublier les œufs, les herbes aromatiques et les modes de production bio. « Et les contrôles d’Ecocert !, insiste l’agricultrice en faisant visiter ses serres. C’est plaisant, mais contraignant. »
Des Avignonnais viennent de la contacter pour monter une seconde Amap. Elle hésite : « Je ne veux pas m’agrandir. » Même pas envie de travailler plus pour gagner plus !
J-F. P.