Christian Estrosi, maire de Nice
Joyeux sire « Oh la miéu bella Nissa !, Regina de li flou, Canrerai li mountagna, lu tiéu tant ric decor ! » Ton si riche décor ! Riche ! Oui, Riche ! (Christian Estrosi, sourire radieux devant un grand miroir, resserre sa cravate et vérifie sa coiffure, comme d’habitude parfaitement ordonnée.) « Je veux simplement vous dire Niçoises et Niçois : je vous aime ! Je veux te dire à toi Nice ma ville, je t’aime du plus profond de mon c?ur. » (1) J’aime ta promenade des Anglais, tes hôtels 5 étoiles, tes casinos, ton goût assumé pour tout ce qui brille et le luxe. J’aime ton amour pour les hommes politiques qui aiment sans complexe le beurre, l’argent du beurre… Je t’aime toi qui aime ceux qui aiment le pouvoir et tous ses attributs. « Chaque goutte de sang qui coule dans mes veines est une goutte de sang niçois. » (2) Ah, mes amis, peuple de Nice, vous ne m’avez pas tenu rigueur de ma petite promenade aux frais des contribuables en jet privé à Washington (3). 138 000 euros pour ne pas rater un apéro avec Nicolas Sarkozy, ce n’est pas cher payé ! Dans la France d’après, fini la repentance pour ceux qui gagnent, pour les décideurs, pour la race des champions qui comme moi « sur ma moto, faisais résonner la Marseillaise sur les podiums du monde entier » (2). Tout juste m’a-t-il fallu attendre le second tour pour être intronisé roi des Ratapignatas, Raminogrobis et autres ramassis de Rats masqués. Je plaisante ! Je veux dire pour être désigné votre premier magistrat dévoué. Nicolas ! Nous avons été élus la même année, en 1988, à l’Assemblée nationale. J’étais le benjamin qui venait à peine de s’éloigner des circuits de course. Mes adversaires, surtout à droite, m’appelaient « Motodidacte ». Qu’ils viennent ricaner maintenant ! Avec Sarkozy, cela a été de suite le coup de foudre. « Moi, j’étais au fond de la classe. Lui s’exprimait déjà avec un talent fou. Il avait mon âge, je partageais ses idées. Je me suis installé à ses côtés. Il a forcé mon admiration. » (4) Question de feeling. Nicolas a toujours choisi ses amis avec soin : les époux Balkany par exemple, dont l’assurance est proportionnelle au nombre de casseroles judiciaires qu’ils traînent. Peut-être a-t-il été séduit par mon côté « bébé Médecin ». Pas de repentance ! Oui, j’ai débuté comme benjamin du conseil municipal, adjoint aux sports, aux côtés de Jacques Médecin. Et alors ? Ce n’est pas pour ça que je vais finir ma vie moitié en prison, moitié en fuite en Uruguay ! J’ai tiré les leçons de ses mésaventures. « C’est un contre modèle ! » (4) Ce n’est pas parce que je me suis appliqué à suivre ses traces pas à pas, comme député, secrétaire d’Etat, président du Conseil général, maire de Nice, que je vais connaître le même sort que lui. Un homme averti en vaut deux ! Il suffit de ne pas être pris la main dans le sac… De toute façon, l’heure du changement a sonné. Je lui ai donné un visage : celui de Denise Fabre. Je l’ai nommée 8ème adjointe en charge « du rayonnement, de l’image, et des relations publiques » (5) Ma grande déception : le décès de Garcimore. J’avais pensé le désigner adjoint aux finances et à la prestidigitation. Des tours de magie, il va m’en falloir pour éponger les dettes laissées par le parachutiste (6). J’ai pourtant mis la barre très haut côté promesses pour les 100 premiers jours de mon mandat : création d’une force d’action rapide propreté, service de lutte contre le bruit dans la police municipale, limitation de la présence des SDF… Je n’ai rien contre les pauvres, sauf s’ils sont jeunes, sales, étrangers et bruyants bien entendu… Excusez-moi, va falloir que je vous laisse. Avec tous ces mandats que je cumule, je suis très occupé. Au Conseil général, j’attends d’avoir placé un homme de main à la présidence avant de démissionner. Là, mon modèle, c’est Hubert Falco qui a sorti de son chapeau le terne et dévoué Horace Lanfranchi avant de migrer en mairie de Toulon. L’idéal serait de trouver un canton facilement gagnable pour Eric Ciotti, mon premier adjoint. Mais il est capable de se ramasser encore cette andouille ! Et puis, je dois continuer à tirer à boulets rouges sur Patrick Devedjian, le bientôt ex-secrétaire général de l’UMP. Sarkozy veut sa peau. Porte flingue, ça me va bien. C’est bien couleur locale Côte d’Azur. Du moment que les balles sont en or…
Rackham
(1) Déclaration de Christian Estrosi après son élection le 16 mars.
(2) « Déclaration pour Nice », 4 octobre 2007.
(3) Le 23 janvier, alors secrétaire d’Etat à l’Outre Mer, Christian Estrosi loue un Falcon 900 à Dassault pour se rendre à Washington plutôt que de rater une réunion informelle avec le président de la République et sa garde rapprochée.
(4) Le Monde, 2 juin 2006.
(5) Sic. Ce n’est pas un canular.
(6) Jacques Peyrat, maire sortant, ex-UMP, ex-FN.