Ces élus toujours amis de la guillotine

janvier 2012
L’abolition de la peine de mort a été votée, il y a trente ans, à l’initiative de Robert Badinter. Elle est inscrite depuis 2007 dans la Constitution. Pourtant, l’extrême droite et une partie de l’UMP, dans les rangs de la Droite populaire qui prospère en Paca, n’ont pas baissé pavillon et aimeraient voir renaître la peine capitale.

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Lors des plus tragiques des faits divers, la ritournelle du Front national est connue. Il faut pour les troupes de Marine Le Pen débattre à nouveau de la peine de mort et proposer un référendum sur la question. Une stratégie qui semble payer. Dans un sondage réalisé au début de l’année par TNS-Sofres-Logica pour Philosophie magazine, 63 % des personnes interrogées se montraient « plutôt » ou « tout à fait » favorable à cette consultation populaire. « C’est habile comme procédé, décrypte Alex Massari, président de la Ligue des droits de l’homme de la Seyne-sur-Mer (83). On ne peut pas être démocratiquement contre un référendum. On a soutenu l’idée de consulter les Grecs, on ne peut pas dire non cette fois-ci. Mais on ne pourrait pas accepter que ça se passe sous le coup de l’émotion. Il faudrait en plus voir quelle question serait posée. L’abolition de la peine de mort, soit elle est entière, soit elle n’est pas. C’est un leurre de croire que l’on peut faire des exceptions car, dès lors, tout devient affaire d’interprétation des faits. »

L’idée d’un référendum permet donc au Front de compter ses soutiens sur la question tout en feignant de ne pas trop se mouiller. Une précaution que ne prennent pas les groupuscules qui composent le reste de l’extrême droite. La Ligue du Sud de Jacques et Marie-Claude Bompard (maires d’Orange et de Bollène dans le Vaucluse) n’avait pas hésité, en février dernier, à appeler sans autre forme de procès à « la peine de mort pour les monstres ».

Deux amendements en 2004 et 2007

Du côté de la gauche mais aussi de l’UMP, trente ans après la loi Badinter remisant guillotines et autres chaises électriques et cinq ans après l’inscription de la mesure dans la Constitution, on regarde avec dédain toutes ces saillies le plus souvent qualifiées de « rétrogrades ». Ainsi, le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti, invité le 21 novembre du « Grand Journal » de Canal Plus, répondait le plus fermement possible. « Je suis totalement opposé [au rétablissement de la peine de mort]. On ne répond pas au crime par le crime. Les pays qui l’ont instaurée ou qui l’ont rétablie sont ceux où il y a le plus d’homicides. » Limpide. Sauf que, dans la foulée, le sniper de l’UMP n’a pas pu s’empêcher de lâcher qu’il trouvait cela « aussi choquant que la proposition du PS de supprimer totalement la prison pour les mineurs délinquants ». Ou comment laisser entendre que la peine de mort est un sujet politique comme un autre…

Durant les dix dernières années, des initiatives ont vu le jour pour réduire le champ d’action de la loi de 1981. En 2004 puis en 2007, deux amendements ont voulu introduire des exceptions. À chaque fois avec le soutien actif de nombreux parlementaires de la région, tous membres à l’époque des groupes UMP et apparentés du Sénat ou de l’Assemblée nationale.

Le premier intervient en 2004, quelques mois après l’attentat de la gare d’Atocha, à Madrid. Quarante-sept députés se saisissent de cet événement pour appeler à la possible condamnation à mort des terroristes. Objectif : empêcher les auteurs de récidiver, en actes comme en paroles. « Que dire alors de ces terroristes condamnés à la prison à vie qui continuent à communiquer au grand jour depuis leur cellule avec leurs complices, à donner des interviews voire à publier leurs mémoires ? L’exemple récent du terroriste Carlos emprisonné en France en a donné une triste illustration », estiment alors les signataires. Parmi eux, des membres actuels de la Droite populaire comme Maryse Joissains, député-maire d’Aix-en-Provence, et celui des Alpes-Maritimes, Lionel Luca, mais aussi le chiraquien marseillais et bras droit de Renaud Muselier, Bruno Gilles (aujourd’hui sénateur) (1).

Une seconde tentative de réintroduction par la bande a lieu en 2007 et précise cette fois-ci que « nul ne peut être condamné à la peine de mort, sauf lorsque l’existence même de la Nation est menacée », proposition aux contours vagues que jugent bon de signer Bruno Gilles, Guy Teissier (députe marseillais et président de la Commission de la défense à l’Assemblée), Georges Ginesta, députe-maire de Saint-Raphaël, ou encore Lionnel Luca qui déclare a l’époque que « donner la mort avec des règles ne le choque pas » (2).

Comme les soutiens de De Gaulle en 40

Cinq ans après, Georges Ginesta assume tout à fait ses choix de l’époque. « Je pense que ça peut avoir une vertu préventive, précise-t-il. Ça ferait plus réfléchir que les peines qui, si l’on compte les nombreuses réductions accordées, ne sont plus assez dissuasives. » L’argument est récurrent et est repris par Richard Mallié, un des deux seuls députés de Paca, avec Luca (3), à avoir été jusqu’à voter contre l’inscription de l’abolition dans la Constitution en janvier 2007. Les chiffres de l’Onu les contredisent pourtant. Dans un rapport actualisé en 2008, Roger Hood rappelle « que les États ne doivent pas craindre une hausse soudaine et importante de la criminalité s’ils réduisent le recours à la peine de mort ». Toutefois, le député de Gardanne maintient ses propos et ouvre le robinet à souvenirs : « Force est de constater que ça a dérapé. Moi, quand j’étais jeune, on s’amusait à tirer les sonnettes, on piquait les fruits sur les arbres. Aujourd’hui, c’est carrément le vol. Alors, il n’y a peut-être pas plus d’incivilités mais à l’époque, on ne les marquait pas de la même manière. »

En disant cela, Richard Mallié a bien conscience de ne pas aller « dans le sens de l’histoire ». Ceci explique d’ailleurs peut-être pourquoi des langues d’habitude si bien pendues n’ont pas donné suite aux sollicitations du Ravi (4). Et ceux qui ont répondu ne l’ont pas fait sans multiplier les précautions oratoires. « Vous savez, je crois que ce sujet n’a plus beaucoup d’importance : on ne reviendra plus dessus. Ceci dit, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas matière à réflexion », lance ainsi Georges Ginesta. Jean-Michel Ferrand, lui aussi signataire des amendements de 2004 et 2007, avance une autre explication. « C’est une question de courage politique, affirme l’élu de Carpentras Sud. Combien ont eu le courage de suivre le général de Gaulle en 40 ? (sic). Ils n’étaient pas beaucoup. Certains se contentent du politiquement correct. En se taisant, ils font le jeu du Front national. Je prends un seul exemple. Regardez cet hurluberlu qui a tué des innocents en Norvège. Si ça arrivait en France – ce que je ne souhaite pas –, je vous garantis que les lignes bougeraient. »

Mallié, Ferrand, Luca… Tous ces amis de la peine capitale ont un point commun : ils appartiennent à la Droite populaire, le groupe ultra-conservateur de l’UMP. Mallié et Luca en sont même à l’origine et se sont entourés de Guillaume Peltier (5), ancien du FN et ex-bras droit de Philippe de Villiers qui avait mené la fronde contre l’inscription de l’abolition de la Constitution en 2007. Les membres interrogés assurent tous que la question n’y a jamais été posée. Mais, une autre parlementaire de la région membre de ce groupe, abolitionniste, juge que « nombreux sont ceux qui voudraient remettre le sujet sur la table en pleine campagne présidentielle. Tout dépendra où le président choisira d’aller chercher des voix : au centre ou à l’extrême droite. Si c’est la deuxième option qui est retenue, certains pourraient être tentés de jouer les francs-tireurs. Surtout si un nouveau fait-divers remet le sujet dans l’actualité. » Une perspective qui effraie Alex Massari : « comme le dit Le Pen, certains pourraient malheureusement être tentés de préférer l’original à la copie ».

Jean-Marie Leforestier

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