Cadarache : Circulez, vous avez tout vu !
Pour rentrer, il faut laisser sa carte d’identité et poser devant une webcam. Les casquettes « C.E.A Sécurité » portent une arme à la ceinture et, pour les plus fashion, des Ray Ban aviator sur le nez. Cadarache, c’est un centre d’études sur l’énergie nucléaire géré par le Commissariat de l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), situé entre Aix-en-Provence (13) et Manosque (04) : 980 hectares clôturés, plus de 450 bâtiments dont 21 nucléarisés, 2100 salariés du CEA, près de 6000 travailleurs au total. Mais aussi une cible privilégiée des militants antinucléaires.
« Le plus important, c’est de dire qu’ici nous ne faisons que de la recherche. » Guy Brunel, le dircom, souhaite mettre les points sur les »i ». « J’ai lu sur un blog à tendance écologiste que nous pratiquons de l’extraction de plutonium. Premièrement, ce dernier n’existe pas à l’état naturel. Deuxièmement, le terme »extraction » laisse imaginer que l’on casse des roches en plein air. » Pas simple de communiquer sur le nucléaire ! « On fait face à beaucoup de fantasmes et un vocabulaire qui effraie : »déchets radioactifs », »nucléaire »… Les "anti" jouent sur la peur. Je respecte leur point de vue mais pas leurs pratiques de communication. »
« Nous sommes l’industrie la plus transparente »
Le démantèlement de l’Atelier technologique de plutonium (ATPu) suscite des polémiques. Dernière en date, en 2010, un rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) constate des écarts de masse dans les stocks de plutonium. Bronca des anti-nucléaires. « En réalité, il s’agissait d’un réajustement de la quantité de plutonium par rapport aux estimations réalisées avant le démantèlement. Il y a toujours un décalage, rectifie Guy Brunel. L’ASN publie chacune de ses correspondances avec nous, ce qui donne du grain à moudre aux militants. Nous sommes certainement l’industrie la plus transparente. » En 2010, sur 49 inspections de l’ASN, 25 rapports ont été rédigés et 6 ont été classés incident de niveau 1 sur l’échelle INES (1) Simple broutille, donc, par rapport à « l’accident majeur » de niveau 7 de Fukushima. Cadarache, depuis son inauguration en 1963, affiche un seul drame : un décès en 1994 dû à une explosion chimique. « Vous connaissez une activité industrielle qui ne comporte pas de danger ? », philosophe l’ingénieur-communicant.
Ici on affiche fièrement les 9000 visiteurs par an dont 30 % de scolaires. Et on montre volontiers les conditions de stockage des déchets nucléaires issus des activités des centres de recherche du CEA. Direction les hangars du CEDRA (Conditionnement et entreposage des déchets radioactifs). Y sont entreposés les 10 % de déchets de « moyenne activité à vie longue » ne pouvant pas être envoyés ailleurs en stockage définitif. Pour commencer, un peu de cinéma : un petit film est projeté afin de présenter les protocoles d’entreposage « ultra sécurisé ». « Le but, c’est de conserver les fûts en l’état durant des centaines voire des milliers d’années », affirme Sébastien Vojtovic, adjoint du responsable de l’installation.
Pour continuer, une séquence costumée : le visiteur enfile une veste jaune sur laquelle est fixé un appareil permettant de calculer la dose de radioactivité reçue. Clés, badge, sas, caméras, vérificateur de radioactivité à la sortie, on n’accède pas aux fûts par inadvertance. Dans le premier hangar, celui des déchets faiblement irradiants, « des massifs » de fûts sont entassés. Quelques mètres de distance suffisent, nous explique-t-on, pour se prémunir des radiations. Dans le deuxième hangar, celui des déchets moyennement irradiants, les fûts sont entreposés dans des puits de béton qui emprisonnent les radiations.
Depuis 2006, le remplissage a atteint 22 % de la capacité totale. Il est déjà prévu de construire un autre entrepôt en 2016 pour répondre à la demande. « Les déchets sont en attente d’enfouissement définitif en couche géologique à moins 500 mètres dans un centre de stockage qui reste encore lui aussi à bâtir. » Le déménagement est prévu pour 2025. Fin de la visite : l’appareil de mesure de l’irradiation affiche 0,1 microsievert. En France, l’exposition naturelle à la radioactivité est de 2,4 millisievert par an. Soit 24 000 fois plus. Happy end : circulez, vous avez tout vu !
Eric Besatti