Balade touristique nostalgérique
Un peu d’Histoire. À partir de 1962, 404 000 rapatriés d’Algérie et Harkis s’installent en Provence-Alpes-Côte-d’Azur (« Le dessous des pieds noirs », le Ravi no 22). Très rapidement, certains sentent le besoin de se créer des lieux de mémoire. Les plus extrémistes perpétuent encore cette funeste tradition, qu’ils accompagnent de révisionnisme. Les gerbes déposées au pied des stèles délivrent parfois un message, du style « On pense A toi Sans cesse », afin de rendre hommage à l’O.A.S.
Marseille et sa région
Marseille. Si la deuxième ville de France n’est pas à proprement parler une destination nostalgérique, elle est le point de départ idéal de notre petite balade. La « Porte de l’Orient » est en effet parsemée de souvenirs de l’empire colonial français : les escaliers la gare Saint-Charles et sa statuaire représentant les colonies d’Afrique et d’Asie, le plafond du salon de l’Horloge de la préfecture à la gloire du « génie de la France éclairant le monde » ou encore le monument aux morts des Poilus d’Orient sur la corniche Kennedy. L’incontournable : l’hélice de César, commandée par Gaston Deferre en hommage aux rapatriés. La curiosité : l’ancienne usine Picon, 11 bd National, qui accueille les locaux du Ravi !
Carnoux-en-Provence. Située en banlieue d’Aubagne, la petite ville est l’un des lieux de pèlerinage en Paca (le 15 août). Fondée en 1957 par des « repliés » du Maroc, la bourgade prend son essor après l’arrivée des Français d’Algérie. L’incontournable : l’église Notre-Dame-d’Afrique et sa monumentale vierge noire. La curiosité : son cimetière, longtemps ouvert à tous les rapatriés de France.
Aix-en-Provence. La « belle endormie » est un haut lieu de la nostalgérie. Il faut prendre le temps d’y flâner. Maryse Joissains, députée-maire UMP de la ville, y multiplie en effet les signes de sympathie à l’égard des révisionnistes. Derniers en date : sa présence au spectacle « La mémoire qui saigne », en mars 2010 (le Ravi no 74), et l’inauguration d’un rond-point Général-Bigeard le 19 juin de la même année, le lendemain de sa mort. L’incontournable : le Mémorial national des Français d’Algérie (cimetière Saint-Pierre, au sud-est du centre-ville), tout premier monument à voir été édifié (en 1965) en l’honneur des rapatriés. La curiosité : la Maison du maréchal Juin (quartier d’Encagnane), propriété de la ville, qui rassemble une vingtaine d’associations nostalgériques, dont certaines proches de l’extrême droite (le Ravi no 80).
En quittant Aix, vous avez le choix entre deux directions : le Vaucluse à l’Ouest, le Var à l’Est. Pas de panique ! Cette année, les deux départements ont chacun élu un conseiller général FN…
Marignane. Sur la route du Vaucluse, impossible d’éviter Marignane. Depuis 2005, l’ancienne ville frontiste vit au rythme de la bataille (de procédure) de la « stèle de la discorde », qui trône depuis mars dernier dans le cimetière Saint-Laurent Imbert par la grâce d’Éric Le Dissès, maire DVD. Une priorité ! De prochains jugements pourraient décider d’un nouveau démontage.
Vaucluse
Avignon. Petite halte rafraîchissante au cimetière Saint-Véran. Tous les 26 mars y a lieu une cérémonie du souvenir en l’honneur de la fusillade de la rue d’Isly à Alger. Cette année, les UMP Alain Dufaut (sénateur du Vaucluse), Jean-Marc Roubaud (député du Gard) et Thierry Lagneau (conseiller général et maire de Sorgues) ont fait le déplacement.
Orange. Passer par Sorgues. Le cimetière abrite une stèle – dédiée aux « Morts » des rapatriés de la ville – d’une rare laideur : une colonne en ardoise surmontée d’un saladier. En arrivant à Orange, direction la rue Jacques-Perret. C’est au maire Jacques Bompard, passé par le FN et le MPF avant de fonder la Ligue du Sud, que l’on doit cet hommage unique à un des rares écrivains engagés dans la défense de l’Algérie française.
Direction le Var. Attention ! Le passage par les Alpes-de-Haute-Provence est une rude épreuve : aucun lieu mémoriel à signaler et la population est majoritairement gauchiste et pacifiste ! À traverser d’une traite, pied au plancher !
Toulon et ses environs
Toulon. Autre immanquable de cette balade. L’empire colonial français doit beaucoup au port militaire : la plage du Mourillon a été le point de départ de la conquête de l’Algérie puis la base logistique des expéditions coloniales, l’émir Abd el-Kader y débute sa détention et en 1957 s’y crée une antenne de l’OAS… L’incontournable : le monument aux Martyrs de l’Algérie française (porte d’Italie). S’il a perdu sa statue du lieutenant Degueldre, chef des commandos Delta de l’OAS condamné à mort et fusillé en juillet 1962, lors de son plasticage une semaine avant son inauguration, le 14 juin 1980, le mémorial est depuis toujours un lieu de pèlerinage pour Jean-Marie Le Pen et bénéficie depuis peu d’une illumination nocturne tricolore sur décision d’Hubert Falco, sénateur-maire UMP de la ville. Curiosité : le carrefour du Colonel-Salan (vers le mont Faron), initiateur du putsch d’Alger. Rebaptisé en 2005 « Libération de Toulon – août 1944 », il a été inauguré en mars 2001 par Jean-Marie Le Chevalier, alors maire FN de la ville, avec un Salan au grade de général, en souvenir de l’attentat manqué du général de Gaulle au mémorial du Mont Faron (1964).
Hyères. LA capitale des nostalgiques de l’Algérie française. Depuis 1967, la ville aux palmiers y accueille le siège de l’Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus de l’Algérie française (le Ravi no 55 et 58), une organisation proche de l’OAS et toujours virulente. Curiosité : la plaque « Aux Disparus, aux Martyrs, aux Patriotes résistants tombés pour que la France vive en Algérie » inaugurée en janvier 2007. À noter : Jean-François Collin, son président et ancien élu FN de Hyères, vient d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur. Bravo !
Si vous avez encore des tripes, plus que quelques kilomètres avant les Alpes-Maritimes !
La Côte d’Azur
Théoule-sur-Mer. La Mecque de la nostalgérie depuis 2000 ! Installé à la frontière du Var et des Alpes-Maritimes, le village (1 500 âmes) accueille aux Saoumes (colline de l’Esterel) le fameux mémorial Notre-Dame-d’Afrique, une statue géante (12 mètres) en ferraille et bras ouverts qui n’a rien à envier au Mandarom de Digne-les-Bains. Des plaques commémoratives, dont la liste des morts de la fusillade de la rue d’Isly, ornent son socle. Pèlerinages : les 1er mai et 1er novembre.
Le Cannet. Pas de monument, aucun signe extérieur de « richesse » nostalgérique. Mais un maire UMP, Michèle Tabarot, entièrement dévouée à la cause. Fille d’un dirigeant de l’OAS, physique et idées de Marine Le Pen, la députée est inscrite depuis sa première élection, en 2002, dans le groupe d’étude parlementaire sur les rapatriés. Deux ans plus tard, la « copéiste » y a défendu la cause des anciens membres de l’OAS pour qu’ils récupèrent des points de retraite perdus durant leurs années de clandestinité et d’exil. Sans surprise, Michèle Tabarot a également été l’une des plus virulentes partisanes de la loi du 23 février 2005 sur le « rôle positif » de la colonisation.
Nice. Grâce à la volonté du sarkozyste Christian Estrosi, la baie des Anges trouve progressivement sa place dans la sphère nostalgérique. Depuis deux ans, un très curieux Festival des Deux rives s’installe au mois de juin dans les arènes de Cimiez. Curiosité : le jardin Alsace-Lorraine. À deux pas de la promenade des Anglais, ce petit parc verdoyant accueille un mémorial aux rapatriés (une main portant une urne) dédié au lieutenant Degueldre. Le 23 avril dernier, l’ancien ministre et député-maire de la ville, avec l’aval de la préfecture, y a autorisé la commémoration du putsch d’Alger. Les élections approchent…
Par Jean-François Poupelin