Apprendre à ne pas être choqué

mars 2006
Peut-on critiquer ou rire des religions et du sacré ? « Oui », répond sans condition Mohamed Laqhila. Vice-Président du Corai (Conseil de réflexion et d'action sur l'Islam), Adjoint à la mairie des 13ème et 14ème arrondissements de Marseille. Morceaux choisis.

La liberté est sacrée

« Ce qui est sacré pour nous, c’est la liberté d’expression même si elle peut prendre parfois un tour choquant. Ce principe est primordial. C’est lui qu’il faut avant tout défendre. Bien sûr, on peut comprendre que des croyants puissent être dérangés par certaines caricatures mais le plein exercice de la démocratie est plus important encore. On peut parler de tout. Le blasphème est un droit. En tant que musulmans, nous souhaiterions faire passer le message suivant aux autres religions : il nous faut tous apprendre à ne pas être choqué par un dessin, un film, une publicité. Quand on a confiance en sa foi, ils ne risquent guère d’ébranler notre croyance. » 07-8-9rv28yacine_caric.jpg Représentation du Prophète

« Rien ne mentionne dans le Coran, de façon claire et explicite, l’interdiction de représenter le prophète. Cette interprétation est récente. Et sujette à discussion. »

Le droit à la caricature

« Le Canard Enchaîné, Charlie Hebdo ou le Ravi sont dans leur rôle lorsqu’ils s’emparent du sujet et produisent à leur tour des caricatures. Certains journalistes ont une fâcheuse tendance à pratiquer, sans qu’on leur demande, l’autocensure. Cette profession devrait toujours être capable de critiquer les élus, les religions, les institutions comme l’école par exemple. »

Des actions judiciaires déplacées

« En portant plainte contre les journaux qui ont reproduit les caricatures controversées, le CFCM (Conseil français du culte musulman) se comporte comme l’Eglise catholique de France qui a récemment saisi les tribunaux pour faire interdire, avec succès, une publicité détournant le tableau de la Cène où figuraient des femmes sensuelles. Nous trouvons déplacées ces actions judiciaires. Il est inutile, et dangereux, de vouloir multiplier des lois pour tout réglementer. Le droit français protège suffisamment les personnes et condamne par exemple d’éventuelles dérives xénophobes. »

Un débat positif

« Finalement, toute cette histoire est positive dans la mesure où elle permet de soulever de vraies questions de fond, des problèmes de société. Les caricatures font débat et c’est tant mieux. »

Propos recueillis par M.G. 00rv28red_tue.jpg

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