Appellations d’origine non contrôlées

février 2008
NI NI. Les sans-étiquettes représentent la majorité des candidats pour les municipales. On trouve de tout sous ce label...

Scrutin local oblige, les municipales sont l’occasion d’une explosion poétique sur les affiches et panneaux électoraux. Du style : « Pour que vive Arles ! », « Le Grand Istres », « Nice Ensemble », « Cuers Avenir 2008 »… Le bon sens près de chez vous ! Les candidat(e)s qui portent ces listes sont pourtant loin d’être tous dénués d’intérêts partisans. 10rv49fathy_cass.jpg Il y a même quelques hypocrites. Jean Martinez à Cannes, par exemple, sans parti, sans étiquette et chef de file de « Pour l’avenir de Cannes »… Ce producteur de 45 ans roule en fait pour Michel Mouillot, condamné pour corruption. Mais il y a mieux : Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire UMP, et Jean-Claude Guérini, président socialiste du Conseil général des Bouches-du-Rhône. Les deux prétendants à la mairie de Marseille préfèrent être discrets sur leur identité politique. « Sans étiquette, c’est plus facile de pratiquer l’ouverture », analyse Daniel Van Eeuwen, politologue, directeur de Sciences Po à Aix-en-Provence.

L’argument vaut également pour les dissidents, en particulier ces femmes et ces hommes, ces hommes surtout, qui s’imaginent un fabuleux destin. A l’image d’un Michel Pezet, ancien député et président socialiste de la Région, exilé à Aix-en-Provence, avec l’espoir d’un avenir municipal que ses camarades lui ont interdit à Marseille. Désavoué par les militants locaux, dans un vote controversé, il a finalement monté une liste divers-gauche au doux nom de « Aix à venir ». Il y a également, la liste n’est pas exhaustive, ceux lâchés en route par leur formation, comme l’ex-FN et désormais ex-UMP Jacques Peyrat. Le sénateur-maire de Nice vit désormais libre, sans étiquette, en-dehors de celles qui lui collent à la peau. « Pour des hommes comme Michel Pezet, les comptes se règlent après l’élection, suivant le résultat », nuance le politologue.

Et puis, il y a les élus, véritablement sans étiquettes. « La principale catégorie, explique Daniel Van Eeuwen. Ils se (re)présentent dans les 3/4 des petites communes, celles de moins de 5 000 habitants. Leur engagement se fait essentiellement sur de l’action locale, en fonction de l’intérêt des habitants. » A Port-Saint-Louis-du-Rhône (13), 8000 habitants, le maire, Philippe Caizergues, s’est engagé dans le développement durable, pour contrebalancer les nuisances de la zone portuaire de Fos-sur-Mer. Pistes cyclables, bâtiments municipaux HQE et même un parc éolien (le premier de la région) ont poussé sur le territoire de la commune. « On ne s’installe pas à Port-Saint-Louis pour la vie culturelle ! », plaide l’élu.

L’expérience dure depuis 1989. La recette est simple assure le maire : « En-dehors du projet, il y a le fonctionnement au sein du conseil. 25 ans de communisme orthodoxe avaient installé un vrai raz-le-bol et ont provoqué un engagement d’intérêt communal, avec, en caricaturant, des sensibilités allant de Arlette Laguiller à Jean-Marie Le Pen. On continue de fonctionner comme ça : je ne m’intéresse pas au vote de mes colistiers et je renouvelle mon équipe à chaque scrutin. Cette année, il y aura 2/3 de nouveaux en position éligible, dont d’anciens adversaires. »

Sa neutralité, Philippe Caizergues, candidat à un quatrième mandat, n’est donc pas près de s’en séparer. « En plus, elle ne m’a jamais posé aucun problème avec les collectivités locales ou avec l’Etat », jure le maire. Avant de rigoler : « A part le ministère de l’Intérieur ! Il me colle toujours une étiquette : en 1989 j’étais majorité présidentielle, donc socialiste, et en 1995 divers droite ! » Subterfuge qui permet de rendre les défaites électorales moins chagrines pour le pouvoir en place…

J-F P.

Imprimer