1 journée sans ma voiture, 364 avec
Journée de la femme, journée du refus de la misère, semaine contre le racisme, semaine du goût : la liste est longue des rendez-vous institués pour défendre une cause ou combattre un fléau. La lutte contre la pollution atmosphérique et pour une alternative au tout automobile ne fait pas exception. Mise en place en 1998 par Dominique Voynet, alors ministre de l’Environnement, la journée « en ville sans ma voiture » (EVSM) est organisée tous les 22 septembre. Elle s’intègre aujourd’hui dans l’opération intitulée « semaine du transport public » (SMTP), créée en 1994, elle-même inscrite dans « la semaine européenne de la mobilité ». Elle se déroulera cette année du 16 au 22 septembre. Le label « EVSM » est accordé directement par le ministère de l’Environnement aux villes qui souhaitent y participer. Les initiatives de la « SMTP », éventuellement relayées par les Conseils régionaux et généraux, sont validées par une ONG très officielle, le comité de promotion des transports publics, qui regroupe les grandes entreprises publiques et privées de transports (SNCF, RATP, régies de bus…) sous le parrainage du ministère de l’Equipement. Cette année, la semaine est placée sous le thème de « l’éco-responsabilité » afin de prôner un « usage raisonné » de la voiture au profit des transports publics. Serge Lepeltier, le ministre de l’Ecologie, a souhaité rebaptiser l’opération « bien dans ma ville… sans voiture » (BDMVSV ?!). Une véritable révolution ! Dans un courrier adressé aux maires, il les incite « à mettre en place des solutions innovantes et créatives pour porter une politique pérenne de développement durable ». Et promet de décerner « lui-même » le trophée de la meilleure initiative. Peu de chance, au vu du nombre de candidats, qu’une ville soit couronnée en Paca…
Fin août, seules six villes en Paca se sont mises sur les rangs pour le mercredi 22 septembre (Avignon, Ollioules, Pertuis, Saint-Martin-de-Crau, Salon-de-Provence et Toulon). « Cette année, on bloque l’avenue de la République, explique Charles Giraud, chargé de la sécurité routière à la ville de Toulon. On propose des locations de vélos, des démonstrations d’Airmaraix pour mesurer la qualité de l’air, des moments festifs avec orchestre et de la danse ». A Avignon, deux quartiers du centre ville, soit 150 hectares au total, seront interdits aux voitures de 10 heures à 19 heures… Autre initiative, siglée « SMTP » et promue par le Conseil régional : l’opération « changeons d’air en TER », reconduite cette année pour la quatrième fois. Samedi 18, dimanche 19 et mercredi 22 septembre, il sera possible de circuler librement sur les trains régionaux avec un « pass » facturé 5 euros (entre 5000 et 7000 pass ont été vendus en moyenne chaque jour concerné l’an passé). Pour parfaire le tout, un petit concours permettra de gagner… 50 trottinettes électriques ! Que demander de mieux ?
« C’est un délire schizophrénique. On n’a jamais autant parlé de pollution de l’air et les élus continuent de construire à tour de bras, parkings, rocades, tunnels routiers… »
Dans les rangs de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), on oscille entre l’indignation face au peu d’intérêt de la plupart des élus pour ces initiatives et l’agacement devant « l’hypocrisie » de certains édiles qui utilisent « journées » et autres « semaines » pour s’exonérer de toute action le restant de l’année. Jean Sivardière, auteur d’un bilan complet pour la Fnaut de l’opération « EVSM », épingle les villes qui « refusent la journée sans voiture pour des raisons idéologiques, ou parce que leurs élus sont peu sensibles, voire indifférents, aux méfaits de l’usage abusif de la voiture en ville ». Et le responsable associatif cite un exemple précis, celui de Marseille : « le maire, Jean-Claude Gaudin, ne croit pas à la pollution (« chez nous, il y a le mistral ») et a abrégé la journée sans voiture en 2002 pour permettre, l’après-midi, une manifestation de protestation contre la hausse du prix de l’essence… ». Frédéric Laugier, secrétaire général de la Fnaut-Paca, ne cache pas non plus sa mauvaise humeur. « C’est un délire schizophrénique, s’indigne-t-il. On ne nous a jamais autant parlé de pollution de l’air et les élus continuent de construire à tour de bras parkings, rocades, tunnels routiers et de compter le moindre sous investi dans les transports publics ». Et de montrer du doigt, à nouveau, Marseille comme le mauvais élève de la classe : « alors que le prolongement du métro pour desservir le campus de Château-Gombert reste dans les cartons, on va construire une rocade. On se croirait dans les années 50, s’indigne Frédéric Laugier. Sous prétexte de réaliser un Tramway, dont on attend toujours de connaître le tracé définitif et la date d’inauguration, la régie des transports vient de fermer fin juin les deux derniers trolleybus de la ville ! ».
La Fnaut-Paca énumère d’autres « dysfonctionnements » : la gare TGV d’Avignon non connectée au réseau TER ; le projet de tramway de Toulon « différé » au profit de la construction d’un deuxième tunnel routier ; le doublement de la RN 202 à Nice ; l’absence dans toutes les agglomérations de la région d’une formule similaire à la « carte orange » parisienne, permettant de circuler dans les bus de ville, du département et les TER avec un seul titre de transport… « Ce dont il faudrait parler, résume Frédéric Laugier, ce n’est pas de la journée, ni de la semaine mais bien de la décennie des transports en commun ».
M.G