« Allié, oui, vassal, non ! »
9h26
Election de Jean-Claude Gaudin (LR) à la métropole, deuxième prise ! Après la séance grand-guignolesque du 9 novembre et les recours (Cf le Ravi N°135), c’est la bonne ce 17 mars 2016. 240 élus se pressent au palais du Pharo à Marseille. La salle est carrée, Gaudin tout en rondeur. Même à l’égard de sa meilleure ennemie, l’aixoise Maryse Joissains (LR) : « Elle a ses idées mais ça va mieux se passer. On a conclu un accord pour une représentation plus équilibrée. » Mais, face au PS marseillais qui, au grand dam de la « fédé 13 », va présenter un candidat, il grince : « Ceux qui sont encore dans les luttes gauche/droite n’ont rien compris aux dernières élections. » Aux trois candidats déclarés – le « républicain » Gaudin, le communiste Gaby Charroux, le frontiste Stéphane Ravier – s’ajoute la socialiste marseillaise Florence Masse.
10h10
Samia Ghali (PS) veut présenter Flo. Le doyen, le maire PC du Rove, Georges Rosso, la coupe. C’est à son camarade Charroux de causer.
10h19
C’est au tour de Ravier. Raillant « la vraie-fausse élection », « digne d’une république bananière », du maire de Marseille, il le somme de dévoiler « la liste de ceux à qui on a promis un hochet ». Et fustige la « nécropole des libertés communales. Vous allez devenir maire de secteur. Voulez-vous que vos écoles ressemblent à celles de Marseille ? Que ma réalité devienne la vôtre ? » Rosso, écarlate : « Coupez le micro ! » Ravier : « On n’est pas au Politburo ! » Et de conclure : « Confiriez-vous vos finances à quelqu’un qui a ruiné sa ville ? » La droite : « Oui ! »
10h27
Gaudin, au-dessus des partis : « Face à ceux qui veulent tout politiser, il faut unir, rassembler. Cette répartition, ce respect des territoires, vous allez le retrouver au travers des 20 postes de vice-présidents. Il faut dépasser les clivages. Il y a 50 ans, j’ai appris à gouverner avec des hommes qui ne pensaient pas comme moi. Si la politique est partout, elle n’est pas tout. »
10h35
Masse attaque. Notre dictaphone rend l’âme. Mais avec le tunnel du vote, on a droit à une séance de rattrapage. Elle parle de « cohérence. On ne peut pas s’opposer à Gaudin au conseil municipal et voter ses projets à la métropole ». Sur ses béquilles, Benoît Payan (PS) joue les équilibristes, laissant entendre qu’il ne votera peut-être pas pour les vice-présidents encartés au PS, car il n’imagine pas « des socialistes voter pour un autre candidat que celui du PS ». Perdu ! Adepte de la cogestion, Jean-David Ciot, le patron du PS 13, avoue avoir voté Gaudin. Et Joissains, tout en ayant proposé la veille qu’Aix ne rentre pas dans la métropole, de rentrer dans le rang : « Mes ouailles vont payer. Mieux vaut être dedans pour récupérer le pognon. Mais je vais me battre de l’intérieur. Parce que la métropole, ça reste une vaste connerie ! »
11h57
Résultat : Masse 17, Charroux 22, Ravier 32, Gaudin 152. Ce dernier écrase une larme : « Vous me confirmez votre confiance, vous l’avez même amplifiée ! » Ghali fait la gueule : Masse n’a pu compter que sur le PS marseillais là où Ravier séduit au-delà du FN.
12h18
Pour l’élection des 20 vice-présidents par vote électronique, chacun reçoit une calculette orange dont un technicien, diapo à l’appui, livre le mode d’emploi. Gaudin, paumé : « Va falloir réexpliquer ! »
12h53
Après deux tests, Gaudin prévient : « Faut pas se tromper ! » Election du 1er vice-président. Seule candidate : Martine Vassal. La patronne LR du Conseil départemental rafle 186 voix. Et Gaudin de citer une devise dont il a le secret : « Allié, oui, vassal, non ! »
13h21
Scrutin sans surprise : il n’y a jamais d’autres candidats que ceux prévus à l’avance. Du communiste, de l’Aixois… N’utilisant qu’une touche sur leur calculette, les élus vont bientôt découvrir la touche « 2 ». Face au maire PS de Vitrolles, Loïc Gachon, surgit Martine Cesari (LR), de Saint-Estève-Janson. Qui l’emporte 103 à 79 ! Même sort pour Frédéric Vigouroux, maire PS de Miramas, battu 95 à 87 par Michel Roux, le premier adjoint LR de Salon !
13h30
Ne voulant pas être le prochain sur la liste, Georges Cristiani, maire « divers gauche » de Mimet et patron de l’Union des maires du « 13 », est prêt à retirer sa candidature face à celle du maire LR de Simiane, Philippe Ardhuin. Gaudin, dans ses petits souliers : « Cette liste pour les vice-présidences, elle a nécessité beaucoup d’échanges, d’entretiens… » Joissains enfonce le clou : « J’interviens pour demander le respect des accords que nous avons passés. » Cristiani sauve sa tête et son poste.
13h49
Face à une assemblée « incapable de cogérer, de co-construire », Ciot, souhaitant « bon vent à la Métropole », annonce le retrait des candidats PS. Et donc de la martégale Sophie Degioanni. A poil, Gaudin suspend la séance. Pendant que Ciot explique que Gaudin « ne tient plus ses troupes », face-à-face tendu entre Gachon et Masse. Il n’a pas voté pour elle. Et vice-versa. « Tu sais, Loïc, les alliances contre nature… » le Ravi repéré, la conversation s’interrompt.
14h00
Puisque c’est « open bar », les scrutins se font plus incertains. Et Gaudin a beau faire les gros yeux – même si, « le vote, après, il est libre… » – rien n’y fait. Le marseillais Robert Assante (Nouveau centre) se fait éliminer par le maire UDI d’Eyguières. L’élection des 8 membres du bureau est, elle, sans anicroche. Comme pour la commission d’appel d’offres. C’est l’heure d’aller manger. Cristiani refait le match avec Marsactu. Et le Ravi, contrairement à La Provence, est privé de sandwich !
15h39
Gaudin expédie la « charte de l’élu local » : « Vous inquiétez pas, c’est pas trop long. » : « L’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité… » L’assemblée, clairsemée, n’est guère attentive. Elle l’est plus pour voter les indemnités : « 2000 euros pour les vice-présidents et les membres du bureau, 1000 euros pour les élus métropolitains »…
15h46
Sur le partage des compétences entre la métropole et les six conseils de territoire, Gaudin voudrait expédier ça fissa. Mais les maîtres es recours – Joissains, Robert Dagorne (Nouveau centre à Eguilles) et Hervé Fabre-Aubrespy (LR à Cabriès) – sont en mode « Méfi ! » Et quand Gaudin rappelle à Joissains, à propos d’une disposition, que « c’est la loi », l’aixoise rétorque : « Ça va, on est à Marseille ! » Brouhaha…
16h04
Comme les votes sont ouverts, on peut savoir en direct qui vote quoi. Fabre-Aubrespy s’étrangle. Gaudin s’agace : « Il va pas m’emmerder, celui-là ! Quand on vote à main levée, on voit ce que vote le voisin. On va pas dormir ici. Déjà que vous avez eu des sandwichs… » C’est adopté. Comme la dernière salve de rapports. Sans débat. Ou presque.
16h18
Pour le recrutement des futurs collaborateurs, Joissains préférerait « de grands patrons à de nouveaux fonctionnaires », rappelant que, chez elle, « on a toujours fait grimper les gens grâce à la mobilité interne ». Malgré quelques ricanements, Gaudin abonde dans son sens : « On va commencer par promotionner ceux qui sont là. Après, s’il faut aller chercher un Pépy à la SNCF… »
16h35
La séance est terminée. Le 1er adjoint de Gaudin, Dominique Tian (LR) vient faire la bise à La Provence. Et Guy Teissier, le futur-ex patron LR de MPM, de reconnaître qu’il a désobéi à Gaudin, ayant ouvertement applaudi quand Gachon s’est fait dégommer : « Pour nos amis, ce n’était pas un bon signal que de remettre en selle quelqu’un dont le bilan est catastrophique. » Et de mettre tout cela sur le compte de la « méfiance chez les non-marseillais ». Mais pas que : « Prenez mon voisin. Quand Roland Blum s’est présenté, il s’est exclamé : "C’est qui, Blum ?"… » Un socialiste ?
Sébastien Boistel