A Toulon, une scène nationale nommée désir
Le Théâtre Liberté de Toulon a enfin ouvert ses portes, avec à sa tête Charles (acteur) et Philippe (metteur en scène) Berling et une programmation ambitieuse tournée vers la Méditerranée. C’était ce 17 septembre. Il y a un an et demi, en mai 2010, Hubert Falco maire de la ville et patron de l’agglo avait déclenché un fracas médiatico-culturel en annonçant que ce nouveau théâtre serait une future « scène nationale » (le Ravi n°78). Et ce alors que le théâtre de Châteauvallon, installé à Ollioules depuis plus de 40 ans, rêvait depuis longtemps d’obtenir ce précieux label. Châteauvallon, avec ses 35 000 visiteurs et ses 90 représentations dans l’année, allait-il être annexé par le nouveau Théâtre Liberté ? Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, avait finalement annoncé, en mai 2011, une « scène nationale à deux têtes » incluant les deux structures.
« Personne n’annexe personne, tient à préciser Stéphane de Belleval, directeur des relations publiques de Châteauvallon. Nous essayons au contraire de travailler ensemble, de façon cohérente. » L’heure est donc à la « mutualisation » des deux théâtres sur demande expresse de l’Etat, mais aussi du Conseil Régional. Mais, alors que Châteauvallon poursuit sa programmation et que le Théâtre Liberté est en activité depuis presque 3 mois, le label de scène nationale tarde à venir… Une date prochaine mais inconnue selon les deux protagonistes. En clair, pour l’instant le label a été annoncé mais pas donné. Pourtant, sur le site internet de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), les théâtres de Toulon-Ollioules sont déjà inscrits dans la liste des scènes nationales de région Paca. Joint par téléphone, le service com de La DRAC tente de s’expliquer : « Suite à l’effet d’annonce, on a bien été obligé de le noter. » En clair, c’est pour faire plaisir au ministre. Et lorsqu’on demande quand sera remis officiellement le label, la réponse tombe : « Sûrement pas avant 2013 ! » Le secrétariat général du Théâtre Liberté ironise : « Heureux de l’apprendre par les journalistes ! »
« Ils ont le label de fait, mais pas de droit », précise Robert Alfonsi, représentant PS du Conseil régional et opposant de Falco à Toulon. En effet, il ne suffit pas de vouloir le prestige d’une scène nationale faut-il encore avoir les subventions qui vont avec. Obtenir ce label c’est se garantir un soutien financier pérenne et ainsi pouvoir construire un programme de qualité à long terme. Mais pour l’instant, les promesses de l’Etat n’ont pas été tenues. « Le ministre de la culture avait annoncé entre 1,5 millions et 1,7 millions de subventions », indique le secrétariat général du Théâtre Liberté. Mais finalement seulement 160 000 euros seront versés. Concernant le Conseil régional, Robert Alfonsi explique que l’engagement s’était fait sur l’investissement et non sur le fonctionnement : « Au départ c’était 600 000 euros qui étaient demandés par le théâtre, mais nous n’avons pas les moyens de payer cette somme. Pour l’instant nous avons financé à hauteur de 60 000 euros, et d’ici la fin de l’année nous auront peut être atteint 100 000 à 150 000 euros, mais ce sera le maximum. » In fine, le budget total de 2011 se situera entre 2,5 et 3,5 millions d’euros (Etat, Région, Conseil général et TPM confondus) au lieu des 5,3 millions d’euros prévus initialement.
Visiblement, le piston ce n’est plus ce que c’était ! En effet, à l’annonce de l’arrivée des frères Berling à la tête du Théâtre Liberté, deux artistes très compétents mais dont l’un, Charles, est un ex-petit ami de Carla Bruni-Sarkozy, quelques dents ont grincé. Toulonnais d’origine, les frères voulaient diriger un théâtre, Hubert Falco voulait en construire un pour sa ville, l’affaire était pliée ! Seulement, le label scène nationale répond à une procédure très précise qui prévoit notamment un appel à candidatures pour la nomination du directeur… Raté ! Une remarque à laquelle Frédéric Mittérand, dans une interview accordé au JDD (05/2010), a répondu avec dédain : « il n’y a pas de procédure, juste des usages. » En bref, c’est moi ou Carlita qui décidons ! Alors un label 2013, l’année où Toulon a refusé de participer à la capitale Européenne de la culture de Marseille-Provence ? C’est sans compter qu’en 2012 le ministre de la Culture voire le président de la République auront peut-être changé de nom…
Samantha Rouchard