Le combat (culturel) commence au château

Vianney d’Alançon le clame haut et fort : son projet est culturel, et non politique. « Je prends de la distance, je veux rendre honneur à l’histoire de France », expliquait le nouveau châtelain de La Barben en février lors d’une interview à la radio chrétienne RCF. Et effectivement, le projet de Rocher Mistral annonce cet été des spectacles avec costumes et accessoires somptueux, décors impressionnants, pour faire découvrir des pans de l’histoire provençale peu connus du grand public. Comme la révolte des Cascaveous en 1630, soulèvement d’une partie de la population d’Aix-en-Provence contre la volonté du cardinal de Richelieu de centraliser la collecte des impôts.
Lors de cette « jacquerie » comme la qualifie Vianney d’Alançon, les révoltés se propagent jusqu’à La Barben, où ils incendient le château et la forêt avoisinante. Un demi-siècle plus tard, c’est au tour du chevalier Claude de Forbin, dont la famille est propriétaire du château depuis plusieurs siècles, de marquer l’Histoire. Officier de la marine royale, il navigue jusqu’en Thaïlande où il devient pendant trois ans général du royaume de Siam. Capturé par les Anglais et emprisonné à Plymouth, il parvient à s’évader avec trois camarades et rejoint la France à la rame. Prévus au programme du Rocher Mistral dès son ouverture en juillet, ces deux spectacles, présentés en journée au château, sont complétés par une évocation de la vie et de l’action en Provence des moines bâtisseurs au Moyen-Âge, ainsi que d’une pièce de théâtre en plein air, adaptée de Marcel Pagnol, autour de l’enjeu des sources d’eau dans les villages de Provence au début du XXe siècle.
En avant la Provence
Tous les scenarii de ces spectacles ont été écrits par Vianney d’Alançon. « En étant dans une repentance comme on l’est depuis plusieurs décennies, on ne peut pas créer d’unité autour d’une Histoire commune, d’une terre commune qu’est la France. Les spectacles permettent de créer cette fierté d’une Histoire commune , explique-t-il sur RCF. On est sensé être fier d’appartenir à notre territoire, si on a choisi de s’y installer. » Une parole qui résonne avec celles d’une partie de la droite dans les Bouches-du-Rhône. Depuis que LR a pris la tête du Conseil départemental en 2015 le parti défend, dans plusieurs des collectivités qu’il dirige, la mise en avant de la culture provençale. Au point, lors d’un débat en avril à la métropole Aix-Marseille, sur une délibération de soutien au Rocher Mistral, d’appeler à « une politique culturelle de l’enracinement et d’amour de la France ». Dans un texte aux accents d’éditorial de Valeurs Actuelles, finalement non présenté au vote, le président du groupe métropolitain LR dénonçait « les indigénistes, décoloniaux, tout comme les islamogauchistes ou tenant de l’islamophobie, [qui] ont décidé de faire payer l’homme blanc ». Pour contrer cet « ensevelissement de la seule France, la vraie France, la France éternelle », et assurer cette politique culturelle de l’enracinement, l’élu fixe un objectif : « mieux faire connaître l’identité provençale ». Et fait le lien avec le « beau projet » du Rocher Mistral.
Vianney d’Alançon partage-t-il cette vision offensive de la culture ? « Je ne fais pas de politique, je ne suis pas proche de LR ! », assurait-il au Ravi au lancement de son projet, niant toute proximité avec le catholicisme traditionaliste. Un an après, les doutes ne sont pourtant pas levés. Si le châtelain assure « ne pas vouloir purger l’Histoire car elle ne rentrerait pas dans l’idéologie du moment », plusieurs voix s’inquiètent de la vision de la Provence mise en avant au Rocher Mistral. « C’est une lecture très politique, celle d’une Provence blanche et catholique, dénonce l’association Bien vivre à La Barben. C’est une sorte de privatisation de l’Histoire, dans une démarche catholique identitaire. » Interrogé sur France 3 en février sur l’impact culturel du confinement, Vianney d’Alançon plaidait pour une réouverture rapide des monuments historiques aux élèves du primaire et du secondaire, « pour qu’ils redécouvrent leurs racines ». Avis aux amateurs : en tarif réduit, l’entrée enfant du Rocher Mistral ne coûte que 12 €.