Le Var très nature
« La thématique aujourd’hui c’est « Se projeter sur les nouvelles attentes des clientèles suite à la crise mondiale du Covid » ! » Vivian Vidal, consultant pour l’industrie du tourisme, t-shirt bleu, apparaît sur fond vert en tout petit sur l’écran. Pendant le confinement, la Fédération régionale des offices de tourisme Provence-Alpes-Côte d’Azur (Frotsi) a proposé des séminaires en visioconférence à destination des professionnels. Objectif ? Appréhender au mieux la relance de l’activité dans une région très prisée, environ 24 millions de touristes en été dont 40 % d’étrangers. Sur 20 milliards de retombées économiques, Renaud Muselier, président de la Région Paca, considère que cette année 5 milliards sont déjà condamnés. Le Var est la première destination touristique française derrière Paris, et donc le département qui risque le plus de souffrir du manque de fréquentation cette saison. Les professionnels savent qu’ils vont devoir s’adapter mais pour l’instant le « comment » reste flou…
« On croise les doigts pour la suite, mais on est plutôt agréablement surpris par la fréquentation des deux derniers week-ends, où le bord de mer et le Haut-Var ont bien fonctionné », se réjouit Jean-Pierre Ghiribelli, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) du Var. Mais cette joie passera-t-elle l’été ? Pas sûr… Pour lui, il faudra attendre septembre pour dresser un bilan et si, pour l’instant aucun des 1 400 restaurants et 400 hôtels que compte le département n’a mis la clef sous la porte, il a bien peur que certains saisonniers ne s’en remettent pas. « Ça risque d’être très compliqué pour le golfe de Saint-Tropez qui vit essentiellement de clientèles étrangères fortunées ainsi que pour le marché du luxe. Et puis il faut dire, le panier moyen du touriste français n’est en rien comparable à celui de la clientèle américaine », poursuit le président de l’Umih.
« Par rapport à l’an dernier, on envisage environ 70 % de baisse d’activité », s’inquiète Alexandra Harlay, responsable de l’hôtel trois étoiles Royal Bon Repos à Sainte-Maxime. Sa clientèle est effectivement majoritairement étrangère et cette année, faute au Covid, elle ne viendra pas. « Pour l’instant on a des réservations au jour le jour, on ne voit pas trop vers quoi on va… D’habitude on s’assure du taux de remplissage par un travail en amont qui se fait en avril-mai, mais du coup, avec le confinement, on a dû fermer pendant cette période », précise-t-elle. Cette année, l’embauche de saisonniers ne se fera pas, certaines femmes de chambre sont encore en chômage partiel et l’établissement fonctionne avec le même nombre de personnel que hors saison.
Nicolas gère l’accueil du 4 étoiles de Font Mourier, dans le golfe de Saint-Tropez, à Cogolin. Lui aussi a peu de visibilité sur l’été, mais par contre quelques touristes anglais, belges et suisses. S’il reconnaît que le touriste français se montre plutôt solidaire en cette période post covid, ce dernier reste quand même – poliment – toujours « plus râleur », qu’un touriste venu d’ailleurs. « On s’inquiète surtout pour septembre et octobre où l’on reçoit une forte clientèle de seniors, cette année on ne sait pas ce qu’il adviendra et si on ne sera pas re-confinés d’ici là… », note-t-il. Comme une épée de Damoclès…
« Il va falloir se renouveler »
Côté camping par contre, les réservations sont de plus en plus nombreuses, la clientèle est principalement originaire de la région. Cette année on consomme local. « Mais en temps normal, les Espagnols représentent 30 % de notre clientèle. Cette année ça fait un trou, qui ne sera pas compensé par les Français… », souligne Michel Nore, président de la Fédération de l’hôtellerie de plein air du Var qui compte 182 campings. Du côté des gîtes de France du département, ça ne désemplit pas. « On a même du mal à répondre à certaines demandes car les clients veulent tous un gîte avec piscine privative. Un lieu qui n’est utilisé que par eux et leur famille. Avec le Covid, la plage fait peur », souligne une salariée. L’agritourisme a aussi le vent en poupe…
2020 sera-t-elle un épiphénomène ? Difficile pour les professionnels de voir venir même si des tendances se dessinent. « On se rend compte qu’on ne peut plus proposer les mêmes choses, qu’il va falloir se renouveler. On s’aperçoit que les gens veulent de la proximité, de la liberté, de la nature, se recentrer sur eux et leur famille, du circuit court », explique Aline Collodello, directrice de la Fédération régionale des offices de tourisme qui compte 145 structures dans le Var et 200 points info. Ces offices de tourisme, qui ont rouvert le 1er juillet seulement, n’ont pas d’autre choix que de s’adapter car subventionnés par la taxe de séjour, à ce rythme, ils sont menacés de disparaître. « Par exemple, on ne peut plus proposer de visuel avec une masse d’individus, avec le Covid, c’est devenu trop anxiogène, ça n’attire plus, souligne la directrice. Il faut continuer à montrer de l’humain, car il est acteur du projet, mais seul ou en famille. Il faut aussi valoriser les activités de pleine nature. Heureusement notre territoire est composé à 65 % d’espaces naturels… »
En suivant ces nouveaux critères visuels et en espérant compenser la perte de clientèle étrangère, le Conseil régional vient de dépenser 2,1 millions d’euros dans sa campagne nationale « On a tous besoin du Sud ». Et Aline Collodello de conclure : « Le touriste a désormais besoin de réassurance et de sécurité, à nous de trouver le ton et l’offre. »