Moi, Patrick Rocca, fantôme maure
Maanueeeeeel Vââââââalls ! Mânuel Vâââââlls !! Regarde-moi Manuel Valls, c’est moi, Patrick Rocca, le fantôme des Noëls à venir… Je sais qu’on est déjà en février, mais vois-tu, Manuel Vââlls, depuis que les nationalistes ont gagné la collectivité territoriale de Corse, nous, les Insulaires, on fait notre propre calendrier.
Or donc écoute, Manuel Valls : toi et tes prédécesseurs, pendant des décennies vous avez empêché l’État de prendre ses responsabilités d’un bout à l’autre des lignes maritimes de la SNCM. À Marseille, pour acheter la paix sociale sur le port, toi et tes prédécesseurs avez fermé les yeux sur un service dégradé, des pratiques coupables voire illicites de passe-droits, détournements de marchandises et même trafic de drogue. Pendant tout ce temps, les concurrents privés à bas coût ont taillé des croupières à cette compagnie nationale qui appartenait à chaque Français, mais devenait chaque année un peu plus un puits sans fond(s).
En Corse, par peur des conséquences si tu secouais l’enchevêtrement entre élus, nationalistes, affairistes, capteurs de subventions, gangsters et terroristes, tu as abandonné l’île et sa population à une économie sous perfusion, mise en coupe réglée par les clans. Et tu viens me parler d’autorité de l’État, Manuel Vâââlls ?? Regarde-moi, Manuel Valls, regarde-moi bien : je suis le visage de ce à quoi tu seras bientôt confronté. En Corse, d’abord, ailleurs peut-être ensuite.
J’ai un physique de garde du corps russe, de James Bond période Daniel Craig. Je suis un entrepreneur multicartes : 27 sociétés, 81 millions d’euros de résultats nets, plus de 600 salariés en Corse (1). J’ai fait fortune entre immobilier, transports et traitement des déchets, des secteurs où avoir des relations politiques est une nécessité. Je suis « le genre de gars qui entre chez toi sans sonner, s’assoit dans ton canapé, met les pieds sur ta table et t’explique ce que tu dois faire » (2)
Juste avant les régionales, j’ai remporté un marché de 9 millions du syndicat mixte de gestion des déchets de la Corse. Mais le préfet s’est aperçu que l’attribution était illégale : elle a été votée par trop peu d’élus (3). Le président sortant de la collectivité, Paul Giaccobbi (PRG), voulait aller vite. Moi aussi, un peu trop sans doute. Avoir ma chérie en huitième position sur la liste de Giaccobbi aux régionales c’était peut-être un peu trop voyant.
« le genre de gars qui entre chez toi sans sonner, s’assoit dans ton canapé, met les pieds sur ta table et t’explique ce que tu dois faire »
Que dis-tu, Manuel Vâââllssss ?? Que je suis le symbole de l’entrepreneur à succès qui mord sur la ligne jaune ??? Alors écoute, Manuel Valls, écoute ce que disent de moi tes propres serviteurs : mon ascension rapide « a pu laisser supposer des proximités avec le grand banditisme corse, même si les services d’investigation n’ont toujours pas mis en évidence ces liens ni détecté d’anomalies dans cette croissance économique spectaculaire » (4). Alors certes, j’ai été condamné définitivement en 2014 pour un triple abus de biens sociaux, escroquerie, faux et usage de faux.
J’avais utilisé de faux achats de véhicules pour obtenir un crédit de 300 000 euros, arnaqué mon assurance de 40 000 euros après l’incendie criminel d’un de mes entrepôts, encaissé sur mon compte 324 000 euros qui auraient dû revenir à ma société (5)… Mais ta justice est bonne fille, Manuel Vâââlls : elle ne m’a pas interdit de gérer une entreprise. En 2010, j’avais aussi pris dix mois de bracelet électronique pour détention d’arme après qu’on a trouvé un fusil d’assaut chargé dans les locaux de ma société (1). Un de mes proches venait d’être assassiné, j’étais un peu tendu. Tout ça est du passé. Comme je le dis, en vérité : « J’ai un passé, il faut l’assumer, je l’assume » (1).
Ta justice encore, Manuel Vâââlls, plutôt que de trancher en liquidant une entreprise à la dérive comme la SNCM, dont les navires valent encore à eux seuls 200 millions, ta justice a préféré se pincer le nez et me refiler le bateau merdeux. Condamnations « gênantes au regard de l’ordre public économique » ? On espère « la droiture dans la gestion de mes différents patrimoines personnels et professionnels » (6) ? Que ne m’as-tu empêché, toi le puissant chef du gouvernement de la France, de mettre la main sur ce joyau que fut un jour la SNCM !
Tu as joué le Tartarin de Tarascon, le matamore de pizzeria ! (7) Et tu as perdu. Moi aussi, d’ailleurs, Manuel Vâââlls : depuis que mon pote Giaccobbi a perdu la collectivité territoriale, les natios veulent (économiquement) ma peau. Ils vont créer une société mixte corse pour le transport maritime, pour employer en priorité des Corses et développer des lignes avec leurs voisins plutôt qu’avec le seul continent. Ils se sont alliés avec mes ex-concurrents pour la reprise de la SNCM et veulent me fermer le robinet des subventions pour la desserte Corse-continent, des sous publics indispensables à mon projet. Je n’ai pas d’autre choix que de baisser pavillon et de me rallier à eux (8), la queue basse.
Alors regarde-moi Manuel Vââââlls, contemple le symbole de ton échec, c’est celui de l’État dans son ensemble. Et médite la saillie d’un autre insulaire célèbre : « Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre ! »
Charlie Dikkenek