Mirage de l'emploi
Depuis 1997, St Martin de Crau a vu éclore plus de 290 hectares d’entrepôts en bordure de sa commune. Décathlon, Maison du Monde ou Brico Dépot, ce sont les stocks de toute la grande distribution qui transitent par cette zone logistique, la plus grande du sud de la France.
Dernier en date, l’entrepôt de Logiprest, contesté par plusieurs associations et dont le permis de construire a été annulé par la justice cet été – mais qui fonctionne activement depuis 2014. Car ces bâtiments rongent chaque année un peu plus la Plaine de la Crau, zone protégée. Peu sensible à la cause écologique, la mairie continue à autoriser les constructions au motif que ces entreprises sont une source de revenu non négligeable pour la communauté d’agglomération et créent des emplois. Mais lesquels ?
« J’y ai travaillé pendant quatre mois, et n’y remettrai les pieds pour rien au monde. » L’expérience remonte à l’été 2018, et laisse un souvenir amer à Amandine, alors intérimaire chez Distrimag, filiale de Maison du Monde. Cadences effrénées, travail épuisant, surveillance accrue, le maître mot : productivité. Même rengaine pour Caroline, dont le dernier emploi remonte à mars 2019 chez Décathlon : « Tous les matins, j’attendais un appel de l’agence d’intérim pour savoir si j’allais travailler. » Pas de garantie donc, d’avoir un salaire décent à la fin du mois, alors même qu’elle signe un 35 heures.
Christian de Vito, représentant CGT chez Katoen Natie, entreprise logistique dédiée à l’agro-alimentaire, explique que « durant les trois dernières années, les licenciements, départs volontaires ou ruptures conventionnelles n’ont cessé d’augmenter ». Au même moment, il voit les contrats courts devenir de plus en plus fréquents. Sur le site de Katoen Natie, près d’un quart des effectifs sont des intérimaires.
« Préparateur de commande », « cariste », « manutentionnaire », les postes à pourvoir en contrats temporaires sont effectivement nombreux dans les agences de recrutement. En 2016, La CCI du Pays d’Arles estimait à 1774 les emplois sur les zones Ecopole et du Bois de Leuze, où se trouvent majoritairement les entrepôts.
Mais parallèlement, en une dizaine d’années, le taux de chômage n’a cessé d’augmenter à St-Martin-de-Crau, pour se stabiliser autour de 12 % depuis 2016. « Les gens ne veulent pas de ces emplois : ils sont précaires, avec un turnover énorme, dénonce Jean-Luc Moya, de l’association Agir pour la Crau. Et la grande distribution tue les petits commerces ! »