« Les éditeurs restent les maîtres »
Que cache l’intérêt des pouvoirs publics envers le sport électronique ?
L’e-sport véhicule une image neuve et d’innovation certainement profitable à la classe politique. À travers cette industrie, elle recherche une nouvelle légitimité auprès des jeunes publics qui désertent de plus en plus les différents suffrages.
Comment une filière e-sport devient-elle un secteur économique de poids au niveau régional ?
Il ne faut pas y compter ! Je ne vois pas comment l’e-sport peut représenter une part significative de richesse sur le territoire de Paca. Dans la chaîne de valeur, aujourd’hui, les éditeurs de jeux sont les maîtres à bord et les collectivités territoriales ne sont que secondaires dans le dispositif. Il va falloir qu’elles accompagnent de façon un peu plus structurelle les acteurs de l’e-sport pour espérer prendre de l’importance. Renaud Muselier ne peut pas ouvrir une filière de ce type en si peu de temps. On ne peut pas s’installer comme place incontournable dans l’e-sport en quelques mois.
Comment Provence-Alpes-Côte d’Azur peut-elle développer cette industrie ?
La région a beaucoup à faire dans le domaine amateur comme développer les technologies anti-triche, faciliter l’ergonomie… L’e-sport n’est pas encore structuré comme le foot avec différentes ligues, divisions. Il n’est pas encore ancré dans les territoires. Tout reste à construire et ça n’arrivera pas avant une bonne vingtaine d’années.
Le rapport de force des éditeurs pourrait-il s’inverser ?
Pendant très longtemps, l’e-sport a été dans les mains des organisateurs de compétition, mais, un jour, les éditeurs de jeux se sont dit que les tournois e-sportif pouvaient générer des revenus conséquents. Ils ont donc repris la main sur leur logiciel et chaque personne doit demander leur autorisation pour organiser un événement. Donc la plupart des structures de jeux ont créé leur propre compétition. Et ils ne céderont pas, car c’est une source de revenus trop conséquente.
Les pouvoirs publics s’intéressent-ils trop tardivement à cet enjeu ?
Les collectivités locales ne s’intéressent à un domaine d’activité que s’il est pourvoyeur d’emplois. L’e-sport est un phénomène de société trop souvent déconsidéré alors même qu’il produit des emplois de très haut niveau.
En France, on a une culture qui nous empêche de voir les jeux vidéo comme quelque chose de sérieux. Il faut leur apporter du crédit au niveau économique, c’est un travail de fond qu’il faut opérer dans la société. Tous les jeux ne sont pas parfaits. Mais nous faisons face à quelque chose d’irréversible, cette industrie est en train de s’imposer en premier loisir auprès des jeunes. Dès le retour des événements en présentiel, l’e-sport va connaître un réel boom. Il faut que les politiques comprennent ce loisir avant de se poser la question sur la violence dans les jeux. Il ne faut pas faire du jeu vidéo le vilain petit canard.
Propos recueillis par Jérémy Fichaux