Qui sème les éoliennes récolte la tempête
Lors du Congrès mondial de la nature, début septembre à Marseille, rassemblant États, entreprises et grosses associations ou ONG, pour tenir un stand, les exposants ont sorti le portefeuille. Et pour accéder, les visiteurs sont contrôlés par des policiers. Une certaine vision de l’écologie… Au même moment, de l’autre côté de la ville, un contre-congrès s’organise. Les opposants critiquent une écologie qui se fait sans les citoyens. Parmi eux, des opposants à l’éolien. En Paca, deux projets cristallisent les tensions : dans le Haut-Buëch (05) et à Artigues-Ollières (83).
« Paca est l’une des plus riches régions en termes de patrimoine et de paysage », souligne d’emblée Julien Lacaze, président de l’association Sites & Monuments, qui s’oppose au projet à Artigues-Ollières. Les éoliennes se trouvent à dix kilomètres du parc de la Sainte Victoire et d’une zone Natura 2000. Des paysages peints par le peintre Cézanne. Si chemins, terrassements et mâts s’imposent dans le paysage, ils peuvent aussi avoir des répercussions sur la biodiversité assurent les détracteurs de l’éolien. « Il entraîne une mortalité des rapaces, des migrateurs et des chauves-souris », résume Dominique Boury, président de Toutes nos énergies, association contre l’éolien industriel.
A voir. L’impact sur la biodiversité est mesuré par la Ligue de protection des oiseaux. Une étude de 2017 montre que les migrateurs et les rapaces sont les plus touchés, surtout près de zones Natura 2000. Mais le rapport de la LPO souligne que la mortalité reste « relativement faible » et « variable ». Avant chaque projet, une étude d’impact doit être menée par le promoteur. Plus ou moins soigneusement. Il peut parfois être accordé aux projets éoliens une dérogation à la protection des espèces protégées, « s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante », dispose le code de l’environnement.
Dans le Haut-Buëch, le projet est en suspens. La préfecture a rejeté en 2018 la demande d’autorisation du promoteur, qui a fait appel. Jean-Philippe Salley, président de Haut-Buëch Nature s’inquiète encore. « Les éoliennes seraient à environ 800 à 1000 mètres des habitations. Cela crée des nuisances sonores et visuelles », soutient-il. Il ajoute que les « vibrations » des pales d’éoliennes occasionnent maux de tête et acouphènes. Que les « infrasons » ou « l’électricité statique » ont un impact sur les troupeaux. Des affirmations qui ne font pas vraiment consensus chez les autorités de santé.
« Le manque de transparence est quasiment systématique »
À la Sainte-Victoire, les éoliennes sont bien là malgré l’annulation de l’autorisation d’exploitation par la justice. En 2020 le préfet du Var a donné la permission de poursuivre les travaux, dans l’attente de l’étude environnementale, fournie en 2021. Elle est étudiée par la préfecture. Julien Lacaze a tenté d’obtenir l’étude. Après un bras de fer avec la préfecture, il a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs. « Le manque de transparence est quasiment systématique dans les dossiers éoliens », dénonce-t-il.
Pour Jean-Philippe Salley, l’arrivée de tels projets industriels est perçue par les ruraux comme une dépossession de leur territoire. « Souvent, des promoteurs étrangers viennent prospecter des petites communes. On ne tient pas compte de l’avis des habitants, d’où une animosité grandissante », résume-t-il. Un manque de concertation et une mainmise de groupes industriels que déplore aussi Dominique Boury. Il critique la privatisation de l’énergie et demande « un grand service public de l’énergie, où les citoyens pourraient peser ».
Le patrimoine, la ruralité, l’opposition aux entreprises étrangères, autant de thèmes chers à l’extrême droite. Qui ne se gêne pas pour les reprendre à son compte. Lors des élections régionales de 2021, Thierry Mariani (RN) s’est opposé à l’éolien. « Une partie des forces politiques nous instrumentalisent. Le soutien de la droite ou de l’extrême-droite ne me fait pas chaud au cœur », nous glisse un opposant.
Elle n’a cependant pas l’air d’en déranger d’autres. « L’éolien terrestre n’a plus trop le vent en poupe. Des médias comme Le Figaro, Le Point, Valeurs Actuelles ont dénoncé la politique de l’éolien », souligne Jean-Philippe Salley, sans se rallier à une étiquette politique. Il cite aussi des « têtes de gondole médiatiques », comme le royaliste défenseur du patrimoine Stéphane Bern. Une récupération dont les Provençaux se seraient bien passé pour un débat apaisé sur l’éolien.