« L’éolien révèle les problèmes existants »
L’éolien est-il devenu un thème du débat public à part entière ?
Dans les débats sur l’énergie, c’est le cas. D’un sujet relativement confidentiel il y a quelques années, il s’est progressivement étendu et a explosé cette année. Dans certains territoires comme la Champagne, les Corbières, les Hauts-de-France, où l’on a posé beaucoup d’éoliennes, il y a un ras-le-bol d’une bonne partie des habitants. Mais elles sont maintenant présentes dans tout le pays. Plusieurs livres et documentaires à charge sont aussi sortis au printemps. Et au-delà du RN, des politiques comme Xavier Bertrand (ex-LR) ont pris position. On en arrive là aujourd’hui parce que, depuis dix ans, des associations locales mènent cette contestation sans trouver de relais nationaux, alors que l’éolien cristallise plein d’enjeux dans des parties du pays longtemps délaissées. Parallèlement, la montée en puissance des écologistes provoque des réactions, notamment du lobby nucléaire, ce qui donne des arguments à certains opposants aux éoliennes.
Est-ce que les anti-éoliens sont proches du RN ?
L’extrême-droite a toujours fait son lit des colères existantes. Ça ne veut pas dire que tous les anti-éoliens sont des fachos ! Il y a plutôt quelque chose, dans leur positionnement, qui est proche des gilets jaunes. Ils se sentent dépossédés de leurs territoires. Ils se disent : « Vous nous avez enlevé les écoles, les hôpitaux, la poste… Et maintenant vous voulez nous prendre le paysage, la seule chose qui nous reste ? » Ce ne sont pas forcément des « nimbistes » (2), mais des gens qui réagissent à un sentiment de dépossession. Après, il est clair que le thème de la conservation du paysage penche plutôt vers la droite. Et la logique des « petits contre les gros » peut aussi glisser vers le poujadisme. Mais en général les anti-éoliens ne veulent pas être récupérés, ils savent que ça décrédibilise leur discours.
Comment les écologistes se positionnent-ils sur la question ?
Les choses commencent à bouger. On a vu lors de la primaire d’EELV des positionnements différents parmi les cinq candidats : les écologistes se sont rendus compte qu’on ne pouvait pas imposer les choses d’en haut, sans concertation, qu’il y avait là un problème de démocratie et de modèle de planification. Mais ils ont besoin de temps pour vraiment repenser l’éolien. Par ailleurs, dans certains territoires, dans l’Hérault, l’Aveyron ou l’Aude, il y a aussi des associations environnementalistes qui se positionnent contre les éoliennes, parce qu’il y a parfois de vrais problèmes avec certains oiseaux, comme en mer quand elles sont positionnées sur des couloirs migratoires. La critique peut aussi venir des communautés libertaires locales, et des liens se tissent avec les réseaux de lutte contre les compteurs Linky ou la 5G. En fait le mouvement anti-éolien a la sociologie de l’endroit où l’on installe des éoliennes ! Donc on y retrouve des propriétaires, des naturalistes, des anarchistes…
La question de l’éolien peut-elle être déterminante au niveau électoral, notamment en Paca ?
Dans l’Aude ou l’Aveyron, quelques mairies ont basculé sur un positionnement anti-éolien en effet. Mais il n’y a pas d’exemple en Paca, où l’éolien est encore peu développé. Globalement, cela reste quand même un débat minoritaire, la majorité des gens ne s’y intéressent pas ou peu. Cette question agit plutôt comme un révélateur de problèmes déjà existants, mais ne fait pas la bascule. Le RN n’a d’ailleurs pas fait des scores énormes dans les communes où les anti-éoliens sont très présents.
Propos recueillis par Nina Hubinet
1. Les mirages de l’éolien, de Grégoire Souchay, Seuil, Coll. Reporterre, 128 pages, 12 euros.
2. Tenants de la logique « not in my backyard », « pas dans mon jardin ».