L’éolien, c’est du vent ?
Dans le domaine de l’éolien, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est la plus mauvaise élève de France. Seulement 1% de la production d’électricité de la région est fournie par des éoliennes, soit 97 mégawatts par heure. À titre de comparaison, on en produit 686 en Auvergne-Rhône-Alpes et 3 952 dans le Grand Est ! Lors des régionales 2021, Renaud Muselier (LR) et Thierry Mariani (RN), se sont tous les deux opposés à cette énergie. Même si le candidat des Républicains s’est dit favorable à l’éolien en mer. « On a une technologie qu’on peut exporter au Japon », s’enorgueillit-il sur France Inter (14/06/2021). On repassera donc pour les ambitions écologiques.
Pourtant l’heure tourne. L’alarme de l’urgence climatique ne cesse de hurler. Pour sortir des hydrocarbures, voire du nucléaire, développer les énergies renouvelables (ENR) semble nécessaire. Si l’hydraulique et le solaire commencent à trouver leur place en Paca, l’éolien doit encore surmonter les contraintes du territoire, les pudeurs politiques et les crispations autour des projets industriels.
Ces dernières années, plusieurs projets éoliens en Paca se sont vus retoqués par la justice ou l’administration. Et pour le parc d’Artigues-Ollières (83), qui produit 48 MW, il a fallu plus de 10 ans afin de le mettre en exploitation. Son parcours administratif n’est cependant pas terminé : la préfecture doit encore valider l’autorisation environnementale. Des oppositions ont sans relâche attaqué le projet en justice, comme l’association Sites & Monuments, qui s’inquiète de l’impact sur le paysage et suit encore le dossier.
Parcours administratif
Pour conseiller la Région sur les questions de transition énergétique notamment, un Office environnemental régional a été négocié par Jean-Marc Governatori lors des régionales en échange de son soutien, au second tour, à Renaud Muselier (LR). Governatori, vice-président de Cap écologie, chantre de « l’écologie au centre », le présidera. Il reconnaît que l’éolien est nécessaire, même s’il est réservé du fait des fortes oppositions. « L’éolien est la pire des énergies renouvelables, parce qu’il y a besoin de beaucoup de ciment et qu’elle est mal accueillie par la population », affirme-t-il. Lui veut favoriser l’efficacité énergétique, avec un mix d’ENR. « Tout doit se faire en concertation, avec les citoyens, les maires, les départements », tempère Governatori.
Aux oppositions s’ajoutent des contraintes : montagnes, habitations, parcs naturels, zones militaires, radars et aéroports. Notamment sur la vallée du Rhône, zone pourtant la plus propice à l’éolien. « En Paca, alors que le gisement est bon, on a une accumulation des contraintes. La plus importante est d’ordre militaire, avec la base de Toulon mais surtout les radars », explique Camille Charpiat, du Syndicat des énergies renouvelables qui représente les entreprises du secteur. Elle ajoute que depuis juin 2021, les éoliennes ne peuvent plus s’implanter dans un rayon de 70 km autour des radars, contre 30 auparavant. Le Schéma régional éolien (SRE) avait recensé en 2012 une quinzaine de radars en Paca.
« La Cop d’avance de Muselier ne va pas faire des miracles »
Au niveau régional, l’éolien n’emballe pas. Élaboré en 2012, le SRE a été annulé en 2015 par le tribunal administratif. Jusqu’à 2019, et le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) qui fixe de nouveaux objectifs, l’éolien avait presque disparu. « C’est une question de volonté politique, uniquement », soutient Annick Delhaye, ancienne vice-présidente en charge du développement soutenable à la Région entre 2004 et 2015. Encartée chez les Verts, elle siégeait dans la majorité plurielle conduite par Michel Vauzelle (PS). L’ancienne élue a inauguré les deux premiers parcs éoliens de la région. « Le PS m’a laissé faire mais ça ne les intéressait bigrement pas », se rappelle-t-elle. Elle est très critique vis-à-vis des objectifs de la majorité actuelle sur la transition énergétique et de la part réservée à l’éolien. « Ce n’est pas avec la Cop d’avance de Muselier que ça va faire des miracles », peste l’écolo, qui s’est retirée de la politique en juin 2021.
La Cop d’avance, c’est le nom du plan climat élaboré par la majorité Muselier. « Développer la méthanisation, le solaire thermique, la géothermie, le bois-énergie et l’hydraulique », fixe le projet. Où est l’éolien ? Seule est faite mention du programme pilote d’éolien en mer, unique projet porté par la région. Alors même que le Sraddet fixe un objectif de 321 MW produit par l’éolien terrestre en 2021 et 597 MW en 2030. Les comptes ne sont pas bons. « Le schéma n’est pas aussi ambitieux qu’on le voudrait. On pense que l’on pourrait multiplier par dix la production éolienne en 2030 avec de la volonté politique », souhaite Camille Charpiat. Contactée à ce sujet, la Région n’a pas répondu à nos sollicitations.
De leur côté, les élus locaux se positionnent selon le sens du vent. Les maires peuvent se joindre aux projets éoliens car pour de petites communes, ce genre d’installation peut faire bondir le budget municipal. Selon le ministère de la Transition écologique, une installation éolienne peut rapporter entre 10 et 15 000 euros de revenus fiscaux par MW chaque année, distribués entre les différentes collectivités. Mais le risque de crispation des habitants et de revers électoral pèse dans la balance.
Mettre Paca au pas ?
Derrière les ENR, et l’éolien, il y a un enjeu majeur : réduire les émissions de gaz à effets de serre. Le Sraddet fixe un objectif de 100 % d’ENR d’ici 2050. Et le plan pluriannuel de l’énergie (PPE) de 2019 vise la neutralité carbone à l’horizon 2050. « Les anti-éoliens parlent de géothermie ou d’Iter (fusion nucléaire, ndlr)… Mais il faut arrêter de penser que le progrès va nous sauver. On ne peut pas se permettre d’opposer les solutions renouvelables les unes aux autres si on veut réduire drastiquement nos émissions de CO2. Il faut exploiter toutes les ressources disponibles », soutient Jérôme Lelong, d’Enercoop Paca, fournisseur d’électricité d’origine renouvelable.
Et la région Paca va très sûrement devoir mettre la main à la pâte pour tenir ces objectifs. La loi climat de 2021 prévoit des « objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables établis par décret pour le territoire métropolitain », après concertation avec les régions. Elle vise un parc français de 14 200 à 15 500 éoliennes d’ici 2028, soit une production d’au moins 33,2 GW. Est également spécifié dans le PPE l’objectif de « mettre en place un dispositif pour que le développement de l’éolien soit plus équilibré au niveau national et éviter des risques de saturation ».
Paca étant actuellement la moins dotée des régions, ces objectifs vont-ils pousser à la création de grands projets, forcément industriels et menés par de grands groupes ? « Il est tout à fait faisable de faire des petites et moyennes éoliennes citoyennes », explique Annick Delhaye, qui incite aussi à la sobriété énergétique. Mais l’écolo nuance, face à l’urgence climatique : « Pour atteindre les objectifs, on passera forcément par l’éolien industriel. » Ce qui devrait faire reculer les gaz à effets de serre, mais pas les crispations.