Tout le monde il est jaune, tout le monde il est gentil…
Un film, un livre, un journal ! Reportage dans les coulisses du plan com’ du « député-reporter » insoumis, François Ruffin.
Sur la Canebière, le défilé des gilets jaunes attire toujours du monde pour leur « Acte 16 ». Au sol, un tract au titre aguicheur : « J’veux du soleil ! » Un quatre pages échappé du dernier Fakir, le journal du député insoumis François Ruffin en tournée pour son film et son livre après avoir réservé à son titre les « bonnes feuilles ».
Bien huilé, le plan com’ ne s’encombre pas de subtilités. Pendant qu’un défilé jaune marseillais s’étire sous le soleil en direction de la plage des Catalans, ce samedi 3 mars, d’autres s’enferment au Toursky où il y aura, à guichet fermé, deux projections et près de 2000 spectateurs. Parmi eux Jean-Luc Mélenchon. Avant que l’Insoumis en chef ne mobilise la meute, la promo a été assurée par cette galaxie qui gravite autour du Monde Diplo, de Là-bas si j’y suis... Sur les tables de presse, pas de place pour d’autres médias.
Gilles Perret, le-coréalisateur, ironise en lançant le film : « Vous êtes déçus, vous espériez voir Ruffin ! » Mais, même si ce dernier ne voulait pas dixit Fakir un « film sur [lui] » – il n’en est pas moins à l’image du début à la fin pour une traversée en une semaine de la France des ronds-points. Un député à l’écoute qui, cuir sur le dos et carnet à la main, va jusqu’à jouer à Macron pour tirer les vers du nez des gilets jaunes. Et, au passage, quelques larmes. Moyennant quelques confidences à la faveur d’un coup de pompe à la pompe.
Personnalisation assumée
« Standing ovation », un film qui « fait chaud au cœur », un bon « outil de contre-propagande »... Quand une spectatrice lui demande s’il ne serait pas plus utile dans l’hémicycle, Ruffin tique : « Je serais comme une plante en pot qui n’aurait plus ses racines dans le sol. Je ne serais que le gauchiste de service. » Lui se veut autant « représentant de la Nation » que « bélier », promettant de ne « pas courber l’échine ».
L’« électron libre » se plie pourtant en quatre. Le lendemain, celui qui se voit comme un « artiste en politique » est à Gardanne pour un match de foot entre l’équipe locale et les gilets jaunes. Joue « centre droit même si ça n’a rien à voir avec mon positionnement politique ». Et ouvre, sans surprise, le score. Serait-ce parce que le gardien est une petite main fakirienne ? La vanne fait rire… jaune !
Pas simple d’être critique. Stéphanie, picarde d’origine et marseillaise d’adoption, est dans ses petits souliers à l’évocation du bénévolat dans un titre pourtant à cheval sur le droit du travail et le sort des petites gens. Ce n’est qu’à voix basse qu’elle se dit un peu « déçue » par le film. Elle se fait reprendre : « Déçue ?! Mais il est très bien, ce film ! ».
On la retrouve à l’Equitable pour un « café Fakir » où chacun dira sa flamme. Ce qu’elle aime, c’est « partir d’une histoire individuelle pour toucher à l’universel ». Pour beaucoup, la révélation, c’est Merci patron ! Et le catalyseur, Ruffin : « Et puis, ricane Lionel, contrairement à Mélenchon, il n’est pas clivant. »
Bête médiatique, il se prête sans peine aux obligations du genre, BFM dans les vestiaires saisissant une image qui ne l’est pas moins : un député… en caleçon ! C’est sans chaussette ni langue de bois que François Ruffin nous répond. « L’auto-exploitation », il assume dans un journal qui « se porte bien. On a 17 000 abonnés, autant de ventes en kiosque. Des salariés. Et mes collaborateurs y consacrent un jour chaque semaine ».
« Populiste », il revendique la personnalisation : « J’assume. Ce qui fait vendre Fakir, c’est que ce soit le journal de Ruffin. » En même temps, « être député a pu nuire aux ventes. Avant, pour me lire, il fallait acheter Fakir. Aujourd’hui, on me suit sur les réseaux sociaux ». D’ailleurs, le temps de la tournée, avec, en ligne de mire, peut-être un remake de la « fête à Macron », la publication du titre va être suspendu : « Je ne veux pas sacrifier sur la qualité pour sortir à tout prix. Même si ce journal vaut moins par son contenu que par la communauté qu’il crée. »
Après, il reconnaît sans peine ne pas faire – sinon avec L’Huma – de la situation des médias une préoccupation centrale ni croire aux vertus d’une approche collective : « Je ne crois pas aux usines à gaz et aux textes écrits à 80. Il nous arrive de signer, pas de nous impliquer. » Merci patron !