Moi François Mariani, cousin de et retraité doré
En plein mois de juillet, les deux Mariani sont affalés dans les transats de la villa de François, au cœur du Luberon (1). Au bord d’une énorme piscine, ils dégustent un magnum de Bandol rosé hors de prix. Avec eux, l’avocat de François Mariani, le ténor du barreau parisien Olivier Morice, reconverti en majordome.
– Aaah ! On n’est pas bien là le couz’ ?, demande François à Thierry, la main dans son petit maillot de bain rose fluo, cheveux blancs bouclés et lunettes de soleil adaptées à sa vue.
– « Marion Maréchal-Le Pen est surdouée » (2), bafouille Thierry, songeur, tout aussi peu vêtu que son cousin.
– Mais tu ne penses qu’à ça, c’est pas possible ! Faut savoir se détendre un peu.
– Oui excuse-moi, ça me stresse un peu toutes ces histoires. Tu as raison, ça va bientôt faire deux ans que tu es à la retraite. 80 ans et quelle mine !
– Merci ! Mais tu sais j’en ai bavé quand même ces huit dernières années.
– Je dirais même plus, vous avez subi « un vrai acharnement » (3) maître ! Ils ont voulu « se payer Mariani, de la jalousie, des juges auraient voulu l’accrocher à leur tableau de chasse » (4), s’indigne Olivier Morice, tout en redingote et plateau d’argent.
– Ouais ouais, c’est ça. Va nous chercher des glaçons.
François Mariani revient sur ces déboires judiciaires qui remontent à 2011. Alors propriétaire d’un hôtel 4 étoiles, les Agassins, et suite à l’envoi d’un enregistrement à l’Urssaf par l’un de ses employés attestant le recours au travail au noir, il est mis en examen en février 2011 pour « abus de biens sociaux, travail dissimulé, faux et usage de faux, faux bilan et harcèlement moral ». Lors de la perquisition, les enquêteurs découvrent une caisse noire, un millier de fausses factures… Si l’instruction est toujours en cours, elle est aujourd’hui au point mort. Plus tard, en 2013, il est placé en garde en vue, comme trois autres de ses collaborateurs, et mis en examen pour « prise illégale d’intérêt » dans le cadre de ses fonctions à la Chambre de commerce. Il lui est reproché d’avoir organisé des colloques avec des fonds publics au cours desquels les conjoints étaient conviés et participaient à des activités. Dernière actualité en date, la relaxe en mars de Philippe Pascal, l’agent de l’Urssaf ayant procédé aux contrôles dans l’affaire des Agassins, poursuivi pour « atteinte à la vie privée ».
– Il s’en est bien sorti cet affreux gauchiste d’inspecteur du travail ! C’était politique, il a même été référent local des Insoumis !, râle François.
– J’ai lu qu’il t’accuse d’avoir essayé de l’intimider en tentant de l’écraser, d’avoir cassé sa voiture ou de l’avoir agressé physiquement. Il a fini par faire un burn out avant de se faire virer le pauvre, rigole Thierry.
– Ouais… il a porté plainte, tout a été classé sans suite. Faut dire que le proc’ de l’époque ne s’est jamais caché de ses accointances avec la droite, ça m’a peut-être aidé. Mais tu me crois vraiment capable de faire ça ?, demande François à Thierry, clin d’œil à l’appui.
– T’as dû t’en mettre plein les fouilles quand même… Moi, 40 ans de vie politique, le petit toutou à Chirac et aucune condamnation. T’y crois ?
– T’es un bon. En ce qui me concerne ça a été un « lynchage, une parodie de justice. J’ai été traité comme un voyou. Une entreprise de démolition par un quarteron qui [voulait] ma tête, trente-cinq interpellations, cinq gardes à vue mais tout a explosé en quelques jours » (4)
– Tu parles de la CCI là ?
– Ouais… « Les conjoints invités dans des séminaires ou lors de déplacements à l’étranger, toutes les CCI le font, même les ministères, ça ne tient pas » (6)
– J’en sais quelque chose… Et puis tu as été relaxé pour vice de forme !, se marre allègrement Thierry.
Olivier Morice revient alors que les glaçons tintent dans un bol orné d’émeraudes.
– « Force est de constater que les dossiers en question se sont dégonflés. Et rien n’a bougé depuis 2013 » (5). Même depuis 2011 en fait, fayote le majordome.
– On t’a sonné ? La seule fois où tu m’as surpris, Olivier, c’est quand tu as fait reporter une audience prétextant un mal de dos, s’amuse François.
– Tu fais le malin, mais ton bilan après 16 ans à la CCI n’est pas jojo. Le Vaucluse est le 7ème département le plus pauvre de France, la cour des comptes t’a épinglé sur ta gestion, tes 600 000 d’euros de frais d’avocat…, le taquine Thierry.
– Tu crois vraiment que la CCI y peut quelque chose, on est seulement la courroie de transmission de mecs comme toi, des politiques. « Nous proposons, ils décident » (6). Mais sinon toi… Je t’ai vu en dire et en faire des conneries pour le pouvoir. Mais là, le Front national… t’es sûr ?
Tout en sirotant son grand verre de rosé, Thierry réfléchit.
– « Tout est possible, rien n’est sûr… […] Il est temps de renverser la table. Le Front national a évolué. Regardons si un accord ou rapprochement sont possibles. […] Les choses évoluent les militants se posent la question. […] En matière d’immigration, le programme du FN, c’est celui du RPR il y a vingt ans. » (8)
– T’as même signé une tribune pour l’union des droites avec, Jacques Bompard, soi-disant ton grand ennemi politique !
– Tu sais, Jacquo, il m’a surtout permis de n’avoir aucune concurrence à droite localement. C’est un bon. Non, en vrai je me positionne pour le retour de Marion. Elle va tout unifier, je le sens. Enfin bref, « on ne me verra pas nu dans une piscine comme Loana ! » (9)
– Et te faire virer des Républicains, rien à foutre ?
– Bah bah… Paroles, paroles…
– Regarde, dans la piscine ! Marion !
Sur ce, Thierry ôte précipitamment son petit bout de tissu, balance son verre à la tête d’Olivier Morice et jette sa grande carcasse toute huilée dans le bleu de la piscine familiale.
Portrait publié dans le Ravi n°162, daté mai 2018