L’été meurtrier
Vous en avez cauchemardé, l’économie française l’a fait : des boulots dont vous ne voudriez jamais, mais dont vous avez désespérément besoin à l’heure de l’apéro. Revue de détail.
Forçat des champs
L’osmose avec la nature, la franche camaraderie au service d’un projet social et écolo… Si les exploitations agricoles de Paca n’en sont pas encore à vendre du rêve comme de vulgaires proxénètes, les dernières affaires qui ont secoué le maraîchage provençal dans le plaine de la Crau montrent que les conditions de travail et de vie des ouvriers et ouvrières agricoles frôlent parfois l’esclavage moderne, comme l’a révélé le Ravi dès 2016 (numéro n°140). Travailleurs et travailleuses détachés venus du Maghreb et de plus en plus d’Amérique du Sud, embauchés via des agences d’intérim étrangères, ils subissent des conditions de travail inhumaines : logements indécents et surpeuplés, journées de dix à quatorze heures, pas de jours de repos, salaires incomplets, heures sup non payées, etc. Le bonheur de la vie au grand air…
J-F.P.
Ne suivez pas le guide
Après deux ans de disette, les musées retrouvent leur rythme de croisière et les croisiéristes, comme les touristes, ont fait leur retour dans la région. Mais c’est loin d’être la fin de la galère pour certains acteurs du secteur, en particulier pour les guides-conférenciers. Durement touchés par le Covid-19, ils font partie des travailleurs les plus impactés par la réforme de l’assurance chômage. Et pour cause ! Depuis le début des années 2010, la profession s’est précarisée en même temps qu’elle était ouverte à la concurrence : le statut d’auto-entrepreneur ou les CDD d’usage sont devenus la norme, le temps de préparation des visites n’est pas pris en compte dans les rémunérations, etc. Résultat, la peinture est moche : beaucoup de guides survivent ou doivent avoir une autre activité professionnelle en parallèle.
J-F.P.
« Va m’chercher l’couteau à recouper les infos ! »
Interview de touristes en goguette, chassés-croisés des vacanciers et autres marronniers : paraît que c’est le métier qui rentre ! Mais journaliste stagiaire l’été, c’est loin d’être la panacée. Imaginez le stagiaire à Var-Matin n’ayant pour se consoler d’être dans un département quasi exclusivement bleu marine que le suivi des tribulations de ce « résistant » qu’est le maire macro-compatible de Toulon Hubert Falco. Après, à voir les journalistes de La Provence assister impuissants à la guéguerre entre Xavier Niels et Rodolphe Saadé, et ceux de la presse pas pareille plancher sur la création d’un syndicat, on se dit que tout ce qui tourne autour de la plume, c’est la plaie !
S. B.
« Garçon ? Garçon ! Garçon ?!… »
A en croire Pôle Emploi, rien qu’en Paca, l’hôtellerie et la restauration recherchaient pour cet été 45 000 personnes ! Dur, dur de recruter ! Faut dire que le job est loin d’être de tout repos. Mais plus sérieusement les conditions de travail chez Nour d’Égypte dont le patron marseillais a été placé en détention dans le cadre d’une enquête pour « travail dissimulé, blanchiment et emploi d’étranger sans titre ». De quoi donner au brunch à 20 euros un goût amer. Comme lorsqu’on voit fleurir sur les murs des affichettes dénonçant dans tel restaurant des pratiques de « harcèlement » voire pire…
S. B.
Naufrage de la vieillesse
Les éditions Niet, après en avoir écoulé 4 000 exemplaires, viennent de sortir une nouvelle édition du livre Te plains pas, c’est pas l’usine, décrivant par le menu les dessous du travail associatif. Avec Les patates chaudes, l’insoumise marseillaise Katia Yakoubi décrit peu ou prou la même réalité dans le travail social. Mais, à la lisière entre sanitaire et social, l’été sera chaud dans les Ephad. D’ailleurs, comme un avant-goût, surprise début juin d’une collègue infirmière voyant débarquer la police dans la maison de retraite où elle travaille. C’était jour de perquisition au sein du groupe Orpéa dans le sillage de l’enquête ouverte suite à la publication du livre Les fossoyeurs. C’était avant le recrutement de Guillaume Pépy à la direction du groupe. Qui, en matière d’économie sur le budget « bouffe », doit en connaître un rayon : il a fait toute sa carrière à la SNCF !
S. B.
Paie ton séjour d’animateur
Bonjour Ryan : votre mission, si vous l’acceptez, sera d’encadrer un groupe très homogène de gremlins de 6 à 17 ans, pour l’ensemble des activités au sein de la colo mais aussi en déplacement. Et puis aussi de faire les courses et assurer un budget. Et préparer les repas. Et veiller à la sécurité. Et gérer les parents aussi parce qu’ils peuvent être un peu casse… Ryan ? Ryan ?? Mais où allez-vous ?! Attendez, je vous ai même pas encore parlé du salaire brut forfaitaire de 50 € par jour, ça vous fait 1 000 balles brut à la fin du mois, presque le Smic, non ne partez pas Ryaaaaaaaan !!!! Haaa le Covid nous a fait un mal de chien, on a pris du retard pour former les nouvelles générations d’animateurs bien exploitables, quand ton premier contrat te rembourse même pas ta formation Bafa…. En 2021 le nombre de diplômés est à nouveau à la baisse : moins 20 % par rapport à 2019 ! C’est qu’il faut en moyenne débourser 900 euros pour obtenir un Bafa. Mais gardons le sourire : l’Odel Var, glorieuse institution locale experte en colonies, a été épinglée, dès 2016, par la chambre régionale des comptes s’étonnant des salaires très élevés des cadres dirigeants. Tous en chœur : youkaïdi, aïdi, aïda !
F.L. et M.G.
Nettoie la Riviera
L’offre de Pôle Emploi (bientôt France Travail) annonce clairement la couleur : « Peu de candidats. » Quoi ? La France de la start-up nation qui se lève tôt ne veut pas se bouger ses petites fesses pour aller traverser la rue et ramasser les poubelles, qui sur la côte débordent tout l’été avec l’afflux de touristes et autres résidents secondaires ? Les conditions de travail semblent pourtant alléchantes : CDD de deux ou trois mois, intérim. Pas besoin de formation, des primes de travail de nuit, de salissure, de transports, de repas. De quoi gagner royalement 1 000 à 1 500 euros nets en salaire de base : chômiste, pour rider l’arrière des camions bennes, épargne-toi un loyer et squatte chez tes parents ! Pour un job où tu seras exposé à des risques chimiques, biologiques, toxiques, chutes, coupures, collisions, et où il faudra soulever de manière répétitive des charges de moins de 50 kilos, ça en vaut carrément la peine !
F.L.