Zéro plastique en Méditerranée, 100 % démagogie ?
Il y a de quoi faire des vagues. Selon une récente étude de WWF France, la mer Méditerranée serait la plus polluée au plastique du monde. Elle en compterait quatre fois plus que le 7ème continent, tout en plastique, dans l’océan pacifique. Pour répondre à la crise, le Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur a adopté, dans le cadre de son plan climat « Une Cop d’avance » prévoyant de rendre Paca « exemplaire en matière d’environnement » (1), une action intitulée « Zéro déchet plastique en mer en 2030 ». Pour atteindre ce but, la Région prévoit de « recycler plus, prévenir l’utilisation inutile de plastique et limiter les pollutions en milieux naturels ». Sans prendre le risque de détailler les moyens déployés pour atteindre ces honorables objectifs… Alors, de belles paroles ?
Même si elle investissait et réglementait avec vigueur pour mettre en œuvre ses promesses, la Région n’est pas en capacité de remédier seule au problème. Avec 600 000 tonnes de plastiques rejetés chaque année en Méditerranée, la coopération de tous les Etats riverains serait nécessaire pour dépolluer efficacement la mer. L’Égypte, l’Italie et la Turquie déversent le plus de matières plastiques en Méditerranée chaque année, soit pour ces trois Etats un tiers du chiffre indiqué par WWF France.
Un enjeu international
« Il faut commencer par dépolluer les rivières, les fleuves avant de dépolluer la mer », martèle Henri Augier, président de l’Union Calanques Littoral. En effet, le plastique, qui s’échoue de plus en plus dans les eaux profondes de la grande bleue, ne vient pas que des côtes. 37 fleuves se jettent dans la Méditerranée et sont eux-mêmes pollués. Il est donc nécessaire de remonter à la source du problème pour espérer le résoudre et c’est à l’échelle internationale que le combat semble se jouer.
Pour Michel Jacod, pilote du réseau déchet de l’association France Nature Environnement, trois pas sont toutefois nécessaires et possibles afin de combattre la pollution : « Le premier est vers le consommateur qui doit comprendre que le plastique est évitable, que l’on peut vivre sans. Le second pas se fait vers des usines de tri plus performantes et le troisième est en amont, il faut tout simplement réussir à réduire la production de ce matériau. » Il se désole de voir encore les restaurants ou les grandes enseignes de restauration rapide en bord de mer distribuer cette substance destructrice de la biodiversité. Seulement Paca n’a pas la compétence suffisante pour interdire le plastique et sa fabrication alors que de nombreuses usines en produisent dans notre belle région.
L’impasse des microplastiques
« Il faut que tous les acteurs s’y mettent, que toutes les collectivités se soutiennent », affirme sans céder au pessimisme Didier Réault, président du Parc national des Calanques et adjoint (LR) à la mer de la ville de Marseille. Mais ce qui importe aussi, selon lui, est de « traiter les micro-déchets ». Malgré leur absence visuelle (ils ne font que 5mm), les microplastiques sont au cœur du problème de la pollution de la mer Méditerranée. Nés de la dissolution du plastique dans l’eau, on y trouverait environ 7 % de tous les microplastiques présents sur le globe. Ceux-ci polluent nos eaux et sont ingérés par les espèces sous-marines, ce qui risque même de les faire remonter jusque dans nos assiettes. L’objectif zéro plastique du CR présidé par Renaud Muselier serait-il décidément très présomptueux ? « Il faut des ambitions fortes pour qu’il y ait des résultats ! », préfère souligner Didier Réault.
Pour Christine Juste, porte-parole régionale d’Europe écologie les verts (EELV), « si l’objectif est seulement d’aller ramasser les plastiques sur la plage, ça n’a aucun sens. On doit par exemple favoriser des alternatives dans les cantines, les lycées dont la Région est responsable ». L’association Mer Terre a ainsi organisé une collecte de déchets sur le littoral au début du mois de juin, 116m3 en ont été ramassés. Pour la militante écologiste, le plan régional relève surtout du greenwashing, le fameux « éco blanchiment » à des fins marketing, et de la « communication à la Maud Fontenoy », la vice-présidente de la Région. Qui semble préférer naviguer sur les plateaux de télévision que de plonger dans la complexité des solutions techniques et politiques afin de lutter concrètement contre la pollution plastique. Pourtant, il y a urgence : en 2050 il y aura plus de plastique que de poissons tous océans confondus.
« Le Conseil régional n’est pas engagé dans une démarche écologique », assène Florian Bessiere, référent climat-transport chez Greenpeace. En 2014, l’ancienne majorité régionale avait décrété Paca région « hors TAFTA » (2). « Pourquoi la majorité actuelle ne décide-t-elle pas d’être hors plastique ?, questionne Christine Juste. Les vrais enjeux sont occultés par la Région. Il faudrait notamment revenir à une industrie qui n’en utilise pas. » Une certitude : il va falloir patienter pour nager dans des eaux propres.
1. Les élus en charge du dossier « plastique » au Conseil régional n’ont pas répondu à nos sollicitations.
2. Le Tafta, toujours en négociation, est le traité de libre-échange transatlantique, entre l’Union européenne et les États-Unis.