Nos élus pédalent dans la semoule

Se rêve-t-elle en potentielle Jeannie Longo de la politique ? Martine Vassal, double présidente LR du département des Bouches-du-Rhône et de la métropole Aix-Marseille-Provence, varie les sorties à vélo : avec Valérie Pécresse venue la soutenir pour les municipales, sur un vélo électrique pour promouvoir l’aide à l’achat proposée par le département, en cuissard pour annoncer le tour La Provence co-organisé par le département… Sur son temps libre elle pratique elle-même le cyclisme sur route, ne manquant pas de le mettre en scène sur les réseaux sociaux.
Hors-champ, Martine Vassal – aux manettes du département depuis 2015 et de la métropole depuis 2018 – ne fait pourtant pas la démonstration d’une vélocité à porter une rupture avec le tout voiture. Les Bouches-du-Rhône sont le cancre du développement des véloroutes régionales, aucun axe cyclable métropolitain n’a encore vu le jour et Marseille est toujours bonne dernière des villes cyclables en France. Quant à la « coronapiste » du Prado marseillais, censée acter le « monde d’après », elle n’aura survécu que six jours à la pression des électeurs motorisés. Alors même que côté cycliste ça pousse. Selon l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (Agam), le nombre de cyclistes à Marseille a progressé de 10 % par an entre 2007 et 2017, et de 30 % à la sortie du premier confinement en juin 2020 par rapport à l’année précédente.
A chacun son offre vélo
Les élus de la majorité du Printemps marseillais enjoignent régulièrement la présidente de la métropole de changer de braquet pour développer les pistes cyclables. Et chacune des deux collectivités de mettre en avant ses solutions de mises à disposition de vélos. En plus du service accessible à des bornes « Le Vélo » de la métropole, la Ville s’est associée à l’entreprise Lime cet été pour proposer 1000 vélos électriques en libre service. Dans le même temps, la métropole développe une offre de location à l’année de vélos électriques. Pour Stéphane Coppey de Vélo en ville, la compétition entre les deux collectivités de gauche et de droite pourrait quand même aller dans le même sens. « On part de tellement loin que tout est bon à prendre. Il n’y a toujours pas de cohérence pour le développement du vélo, mais peut-être que l’addition des initiatives finira par en apporter », exhorte-t-il.
« Les élus font bien ce qu’ils veulent »
D’autres élus de Paca profitent du moindre événement cycliste pour se rappeler au bon souvenir de leurs électeurs. Le maire divers droite de Gap depuis 2007, Roger Didier (LR), adore parader lors du passage du Tour de France. Gap est la plus capée des villes étapes de Paca avec pas moins de 20 départs et 19 arrivées accueillies depuis 1947. Et cette année, elle s’est vue décerner trois petits vélos sur quatre par le label « ville à vélo » créé par la grande boucle. Pour le comité du label, Gap a adopté « une posture volontariste en faveur du développement de la mobilité cyclable » grâce au déploiement « de nombreux services aux usagers (location, stations de recharge de vélos électriques…)« .
SimonVitorge de l’association Mobil’idées, comprend que la distinction ait été validée sur le papier. Mais en pratique, « quand tu es cycliste de tous les jours à Gap, tu te rends compte que les aménagements sont inadaptés. Les discontinuités sont nombreuses », détaille-t-il. Le logiciel de l’exécutif gapençais favorise toujours la voiture, selon le salarié associatif. « Les élus continuent de porter des projets de parkings en centre-ville. Dans leur esprit, c’est l’outil qui leur a permis de sortir des vallées isolées », affirme-t-il.
La ville alpine s’honore néanmoins de pratiquer la gratuité des bus. Mais son projet de navette électrique autonome sur deux kilomètres empiète en partie sur un espace réservé aux cyclistes et aux piétons en plus d’être inefficiente selon Mobil’idées. « Si elle fonctionne un jour, elle ne circulera pas plus vite qu’un piéton », rapporte Simon Vitorge. Faute d’avoir été mise au point, l’innovation « sans précédent dans le monde », rien de moins (!) selon Roger Didier, est remisée dans un garage de la Ville depuis deux ans.
Clinquant plutôt qu’utile
Le Collectif pour l’essor du vélo à Toulon déplore lui aussi un édile qui se fait mousser avec du spectaculaire plutôt que de développer un ensemble cohérent. Le président LR de la métropole et maire, Hubert Falco, s’enorgueillit de la construction prochaine d’une passerelle consacrée aux « modes doux » enjambant la voie ferrée au cœur de la ville centre. Le geste architectural s’appellera Pont des arts. « C’est techniquement plus ambitieux et plus coûteux que l’élargissement des ponts que l’on demande pour réaliser la liaison cyclable d’Ollioules à la Seyne-sur-Mer », raconte Gilles Lehmann, l’un des animateurs du collectif. Une proposition écartée. « Trop compliqué et trop cher nous a répondu la métropole. Ça prouve qu’ils font bien ce qu’ils veulent », s’agace le responsable associatif.
Les membres d’associations avec qui nous nous sommes entretenus regrettent tous que les usagers ne soient pas intégrés pour définir les politiques d’aménagement urbain. « Associer les habitants, experts de leurs villes. C’est ça qu’il faut faire ! », proclame Gilles Lehmann. Voilà une autre rupture nécessaire pour basculer dans le monde d’après.