My generation
Finalement, le coronavirus aura aussi eu raison d’une énième journée de mobilisation mondiale pour le climat, programmée le samedi 14 mars, la veille du premier tour des élections municipales. Et des marronniers sur la fameuse génération du même nom, ces moins de 35 ans particulièrement engagés sur la question, qui les accompagnent désormais systématiquement. En septembre, ils n’étaient pourtant pas plus de 10 000 à manifester à Paris…
Chez les jeunes Martégaux, le paradoxe agace autant qu’il amuse. Il y a un an, le 15 mars 2019, comme ailleurs en France et dans le monde, Aix-en-Provence a accueilli une marche pour le climat. Plusieurs centaines de jeunes du coin s’y sont retrouvés, dont une délégation de la « Venise provençale ». « Les gens semblent être engagés, mais en même temps ils jettent leurs mégots par terre, s’étonne Salomé, 19 ans, une jeune Martégale qui étudie désormais à Lyon. Il y a un mouvement de mode. Même dans ces moments-là le message ne passe pas, c’est dommage. » « Il y a des gens qui sont hyper investis contre le changement climatique et qui font beaucoup de choses pour changer tout ça, et c’est très bien. Mais il y a d’autres personnes qui disent beaucoup de choses mais qui font rien pour changer et ça, ça m’énerve », juge de son côté Raphaël, 17 ans, en première maths-physique-informatique.
Pourtant, chez les jeunes, l’urgence est comprise et l’envie d’engagement très présente. Depuis longtemps, l’humanité est avertie des conséquences du réchauffement climatique. Première impactée, la « génération climat » voit petit à petit ce qu’elle a connu s’abîmer ou même disparaître. Mais s’investir n’est pas si simple. Manque de temps, d’outils, doutes sur les bonnes portes d’entrée… « J’essaie, mais c’est souvent très compliqué parce qu’écologie et vie étudiante sont difficile à mêler, poursuit Salomé, la néo-Lyonnaise. Par contre, je suis le genre de personne à dire aux autres de faire attention à leurs déchets et à faire des remarques sur le sujet. En général, ça marche plutôt bien. » « Même si je ne suis pas très renseignée, j’ai compris la gravité des choses. Malheureusement, je ne sais pas trop comment m’impliquer, témoigne encore Jeanne, 17 ans, en première anglais-maths-littérature. Mais si les gens commencent à réaliser, surtout notre génération, j’ai aussi l’impression qu’il y a une espèce de flemme nationale et mondiale et qu’on repousse les décisions à plus tard. »
Révolution numérique
L’inaction des États et des multinationales, comme leurs grands discours et promesses ainsi que le dernier épisode d’incendie en Australie, sont particulièrement dénoncés. Notamment parce que cette inaction cultive un sentiment d’impuissance. « Même si tous les gens faisaient quelque chose, ça n’améliorerait la situation que de moitié parce que le plus gros à faire ce sont les industries, les régions et les États qui doivent le faire, dénonce ainsi Raphaël. Si eux faisaient quelque chose, là ça pourrait vraiment évoluer. Donc même si nos gestes quotidiens sont bien, le reste (États, régions, industries) rendent ces gestes inutiles. »
Résultat, difficile de parler d’une génération optimiste. Exemple avec Salomé : « Les médias ne parlent plus de l’Australie, mais rien n’est réglé. L’écologie c’est en dents de scie : un coup ça va plus du tout, puis le lendemain tout le monde s’en fout. » Même constat chez Jeanne : « Si ça doit évoluer il faut un peu… d’ultimatum ou alors un espèce de mouvement vraiment immense qui ferait que la majorité de la population changerait son mode de vie pour survivre. Ce qui est à 99,9 % impossible… »
Finalement, c’est sur les réseaux sociaux que la génération climat est la plus active. En effet, elle est médiatrice et dénonce les injustices dans le monde, ce qui sensibilise la société à la protection de la nature. Mais est-ce que la rébellion vivante ne s’est pas transformée en rébellion numérique ? Des hashtags, des mouvements, des groupes, des likes, tout ça à but écologique, réunissent beaucoup plus de personnes que les actions dans les villes. De quoi motiver pour un avenir durable ?
Nina Florès et Baptiste Cherchour (avec J-F. P.)