Et au milieu, l’écologie
« Le but de mon amendement est de devancer l’Union européenne pour l’influencer. Ma conviction, c’est qu’on ne peut pas se poser en leader de la cause environnementale et accepter la déforestation causée par l’exploitation de l’huile de palme. Je n’ai subi aucune pression, ni du lobby agricole ni du lobby pétrolier », assure Bruno Millienne, député Modem (partenaire de LREM au Parlement) des Yvelines. Il est à l’origine de l’amendement, voté très tard la nuit en novembre dernier lors de l’examen du projet de loi de finances, qui annule la défiscalisation des biocarburants produits à base d’huile de palme. Et ce contre l’avis du gouvernement…
Mais en politique c’est toujours un peu plus compliqué. Car les intentions de Total, favorable à l’importation d’huile de palme, ne font pas les affaires de tout le monde, tout particulièrement du lobby de l’agriculture intensive – la FNSEA – qui cherche à défendre les 100 000 producteurs de colza français. La Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux fait valoir ses arguments : « Si Total produit à partir d’huile de palme, les cours du colza vont baisser car il y aura distorsion de concurrence. Deux tiers de la production de colza en France est utilisé pour le biocarburant, nous avons besoin de ce débouché. Et ce process permet de valoriser des protéines, les tourteaux de colza, qui seraient remplacées par des produits d’importation OGM. »
« On nous accuse de tuer les usines ! »
Ni une ni deux, c’est Bruno Gilles, député LR des Bouches-du-Rhône, qui va déposer un contre-amendement au Sénat, qu’auraient pu écrire les équipes de Total. Voté, il prévoit de garder l’avantage fiscal pour l’huile de palme certifiée par un label international, très critiqué, grâce auquel le pétrolier compte se fournir. En décembre, au moment de la nouvelle lecture, encore une fois tard dans la nuit, l’amendement initial est réadopté grâce à l’opposition et quelques marcheurs « frondeurs », dont deux de la région Paca. Alliés traditionnel de la FNSEA, les Républicains et douze députés issus de circonscriptions rurales du Nord de la France, où pousse le colza, voteront pour. On y trouve même un ancien représentant du syndicat agricole.
Mohamed Laqhila, député marcheur d’Aix-en-Provence, était signataire du premier amendement en tant « qu’écolo de la première heure ». Mais s’il avait été en séance, il aurait finalement voté contre ! « Il faut se donner du temps pour les emplois. Le gouvernement a prévu une sortie progressive des matières premières qui provoquent la déforestation d’ici 2030, ça me convient. Mon seul souci c’est l’emploi ! »