La chasse aux fake news
Les sources tu croiseras ! (Jour 1 et 2)
« Des fenêtres ont disparu et un balcon est apparu », sourit Arnould Perrier animateur des Petits Débrouillards qui intervient cette mi-juillet pour parler fake news et réseaux sociaux avec les jeunes du centre social Les Lilas. Ce matin on explique comment, en passant de canaux en canaux, l’information initiale se transforme et parfois se déforme au point qu’une maison à quatre fenêtres se retrouve avec deux fenêtres, un balcon alors qu’elle n’a qu’une baie vitrée. « Dans notre jeu, on a essayé de transmettre une information visuelle oralement en passant par trois intermédiaires et ensuite de reproduire le dessin. Qu’est-ce que vous constatez ? », interroge l’animateur. « On a mal compris », lance Melvyn, 16 ans .« L’info a été mal transmise », ajoute un autre. « Ça fait toujours ça avec les média, toujours ils amplifient. Comme sur BFM TV, où ils veulent juste faire des vues », note Yanis, 14 ans.
Les jeunes enchaînent sur le Covid. « Aux infos, ils ne parlent que de ça, ça rend fou ! », souligne l’un d’entre eux. « Ok, les journalistes parlent beaucoup du Covid mais est-ce qu’au final c’est plus simple pour nous à comprendre ? », questionne l’animateur. Le « non ! » est sans appel. S’en suit un débat sur Didier Raoult… Le groupe en vient à parler de l’importance de croiser les sources. Pour cela l’animateur distribue différents textes : certains sont des infos, d’autres des infox. Melvyn lit le titre de son article : « En France seulement douze personnes seraient abonnées à Netflix. ». Les jeunes ont tendance à y voir une info. L’animateur interroge : « Qui a Netflix à la maison ? » Huit mains se lèvent. Il devrait donc y avoir bien plus de 12 comptes Netflix en France…
De la dopamine tu te méfieras ! (J3)
Très peu des jeunes présents lisent la presse en ligne, aucun ne consulte la presse papier mais tous vont sur les réseaux sociaux, Snapchat et Instagram principalement. Il pratiquent tous le multitasking : télé, ordi, téléphone et playstation en même temps pour les plus accro. Si Facebook est « has been » ils le préfèrent à Twitter. « Et quand sur les vidéos Youtube on nous dit que ce n’est pas de notre âge et qu’il ne faut pas cliquer…. ben la première chose qu’on fait c’est de cliquer ! », avoue Yanis. « Est-ce qu’on peut tout montrer dans les médias ou sur le net ? », interroge Arnould Perrier. Pour Melvyn, oui : « Car on ne doit pas cacher des informations aux gens.» Julien n’est pas d’accord : «Ça peut choquer les plus jeunes. » Yanis apporte sa pierre à l’édifice : « Si on peut tout montrer alors on peut aussi montrer des fake news. »
L’animateur de préciser : « On ne peut pas diffamer les gens ou les discriminer. On ne peut pas énoncer des propos homophobes par exemple, c’est un délit. » Chahinez de réagir : « Pourquoi l’homophobie c’est un délit et pas la critique des religions ? » L’animateur de préciser : « Parce qu’il s’agit de liberté d’expression. » Chaque mineur avoue que sur les réseaux sociaux il devient majeur… « J’ai 30 ans sur Snapchat », se glorifie l’un des jeunes du haut de ses 16 ans. L’animateur enchaîne : « Est-ce que vous avez entendu parler de la dopamine ? » « C’est une drogue monsieur ? », s’enquiert Melvyn. « C’est un neurotransmetteur dans notre cerveau qui est impliqué dans le circuit de la récompense, c’est lié à la satisfaction et au plaisir. Et l’usage des réseaux sociaux l’active», explique Arnould Perrier avant de montrer à l’assemblée des petites vidéos d’Arte. Les jeunes apprennent qu’ils sont tous dopés !
Au placement de produit tu ne cèderas pas ! (Jour 4)
L’animateur montre des paires d’images qui n’ont a priori rien à voir l’une avec l’autre, les jeunes doivent leur trouver une histoire commune. « On appelle ça l’effet Koulechov, un cinéaste qui a voulu démontrer que lorsqu’on associe deux images, le cerveau va toujours trouver un lien pour chercher à recréer du sens », explique Arnould Perrier. Il distribue ensuite des catalogues de Noël. Sur certains dépliants des jouets bleus et des petites voitures sont associés à des petits garçons, idem pour les filles avec le rose et les poupées. « Comme si les images nous disaient que les garçons ne peuvent pas jouer à la poupée », souligne l’animateur. Un seul catalogue est non genré. Melvyn est suspicieux : « Ben celui-ci c’est un faux magazine alors ? »
Pour conclure les ateliers, l’animateur invite les jeunes à visionner quelques clips vidéos de leurs artistes préférés. L’objectif, relever les placements de produits qui les incitent à acheter une marque. Ils réclament le clip de Pop Smoke, un rappeur américain, avec sa chanson« Dior ». Arnould Perrier d’ironiser : « Directement, le placement de produit est dans le titre ! » Rapidement, le tableau noir est recouvert des noms de marques qui apparaissent dans les clips. Pour certains jeunes, avoir la même voiture ou la même montre est un but à atteindre. Yanis avoue avoir sur lui environ 1000 euros de « produits ». Et jure posséder une Rolex à la maison. Julien en tenue de jogging fait le décompte :« Je dois être habillé pour 75 euros. Ce n’est pas important d’avoir des marques, c’est juste pour se faire remarquer. C’est pas ça la vie. La vie c’est qu’il y a le loyer à payer. »
Paroles de jeunes
« Sur Instagram, quand je cherche des infos sur le mercato parfois je tombe sur de faux comptes. Du coup je vais voir sur Google pour essayer de trouver d’autres sites qui en parlent. Si ce n’est pas le cas, c’est que c’est une fausse information. »
Melvyn, 16 ans, Terminale
« Je ne lis pas de journaux papiers, il n’y a que mon père qui lit La Provence. Je vais sur internet. Je trouve que c’est important de s’informer. Les fake news ça concerne les rumeurs»
Julien, 14 ans, Troisième
« J’ai déjà lu de fausses infos sur des stars. Michaël Jackson par exemple, je pense qu’il est encore vivant. L’atelier sur les fake news m’a appris qu’il ne fallait pas tout croire. »
Chahinez, 15 ans, Première
« Grâce aux ateliers, on a appris que si on ne connaît pas la source, on peut facilement croire à tout. À la maison, mon père regarde BFM TV mais ça m’énerve : ils racontent toujours les mêmes choses. »
Yanis, 14 ans, Troisième
Parole d’encadrant
« Avec ces ateliers, j’ai vraiment vu des jeunes évoluer »
« Je cherchais un thème autour de la citoyenneté. Et je me suis demandé de quoi les jeunes avaient véritablement besoin. Je me suis rendu compte que, tout petit, ils sont confrontés aux réseaux sociaux. Les Petits débrouillards nous ont proposé des ateliers fake news. J’ai trouvé ça bien car du coup on est dans l’actualité. Le centre social a ouvert en 2018 et avec ces ateliers, j’ai vraiment vu des jeunes évoluer : ils sont animateurs aujourd’hui. »
Yacine Challal, coordinateur jeunesse
Parole d’intervenant
« Ils sont parfois naïfs avec les fake news »
« Ils sont tous sur Instagram et Snaptchat. Ils maîtrisent très bien les paramètres de ces applications. On essaie de les éduquer à l’image et aux médias mais finalement ils s’en préoccupent aussi. Ils ne connaissent pas tout mais ils ont déjà une forme d’esprit critique vis-à-vis de leurs usages numériques. C’est intéressant de constater ça. Ils sont parfois naïfs avec les fake news. Ils ne prennent pas forcément le temps d’aller vérifier. Mais même pour nous, adultes avertis, nous sommes parfois sensibles à des théories du complot. L’important c’est d’exercer son esprit critique. »
Arnould Perrier, animateur des Petits débrouillards
Fiche technique :
Thématique : Fake news et réseaux sociaux.
Intervenant : Arnould Perrier des Petits Débrouillards.
Nombre de jeunes : 7.
Durée : 4 jours.
Lieu : Centre social les Lilas (13ème).