Jackpot social pour les promoteurs

décembre 2008
La promesse de Nicolas Sarkozy de faire racheter par l'Etat et les bailleurs sociaux 30 000 logements privés enchante les promoteurs immobiliers. Pourquoi s'arrêter là ?

Les promoteurs immobiliers ont applaudi fin septembre à la décision de Nicolas Sarkozy de faire racheter par la Caisse des dépôts et consignations et les bailleurs sociaux 30 000 logements de leurs programmes. Et pour cause ! En se contentant d’une ristourne de seulement 20 % sur le prix du marché, l’Etat leur permet de ne pas perdre d’argent : elle correspond pile poil aux frais financiers et de commercialisation (1).

Nos chers bétonneurs ont donc décidé de ne pas s’arrêter en si bon chemin. Sentant que le vent de la spéculation immobilière tourne (- 30 % de ventes dans le neuf depuis un an), les promoteurs se sont découvert une nouvelle passion : le social. Le marché est énorme. L’Etat annonce 120 000 logements sociaux neufs par an jusqu’en 2012, 70 000 sur la période rien que dans les Bouches-du-Rhône. Prévoyante, Nexity a déjà ouvert une « direction de l’habitat social. » Alain Dinin, le PDG de la filiale des Caisses d’épargne ne manque d’ailleurs pas d’arguments : « les opérateurs privés sont les mieux placés pour créer de la mixité sociale (…) Ils sont la meilleure garantie que le produit-logement procure la même qualité architecturale, une esthétique homogène et un confort identique aux ménages modestes et aux ménages plus aisés dans une même opération » (2).

Ce qui reste à voir. Dans l’ancien, la réhabilitation de la rue de la République à Marseille a montré que les plus pauvres et les plus favorisés ne bénéficiaient pas des mêmes prestations. Par contre, l’appel du pied des constructeurs en direction des bailleurs sociaux est, lui, bien réel. « On en appelle aux opérateurs du logement social quand les opérateurs privés n’arrivent pas à faire leur métier, et surtout leurs marges, [et] parce que nous – organismes sociaux – représentons la stabilité, la certitude dans le temps », constate amèrement Lucien Stanzione, de Mistral Habitat (3).

Encore faut-il que les pouvoirs publics aient envie de logements sociaux. Dans les Alpes-Maritimes, Nexity en fait les frais. « Il en faut, ne serait-ce que parce que les personnes aisées ont besoin de garagistes ou de femmes de ménages. Mais nous sommes confrontés au problème du prix du foncier et à des élus qui ne programment pas de mixité sociale dans leurs plans locaux d’urbanisme. Malgré les grandes discussions que nous avons avec le Préfet et la Direction départementale de l’équipement, à 6 000 euros le m2 il nous est même impossible de postuler au programme de rachat du gouvernement ! », peste sans langue de bois Christian Roussaux, directeur général régional de Nexity.

Heureusement, le président de la Chambre régionale des promoteurs et constructeurs dispose encore d’une niche presque inépuisable : les riches. « Une clientèle étrangère pour nos produit haut de gamme, comme la nouvelle bourgeoise russe. C’est peut-être pas juste, mais même s’ils perdent de l’argent, ils en ont encore », admet-il. Si tout le monde y trouve son compte…

Jean-François Poupelin

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