A qui profite la crise ?
L’alignement des astres est formel ainsi que tous les conjoncturistes : 2009 va être marqué par la plus forte récession frappant les pays développés depuis l’après-guerre. Dans le sillage de la crise financière internationale, se profile celle de l’économie réelle avec son cortège de faillites d’entreprises, de chômage, de ménages en difficulté. Rassurez-vous ! Tout le monde n’est pas perdant. Pour préparer les fêtes et garder le moral, le Ravi vous offre quelques raisons d’espérer.
La crise profite à Sarkozy
A tout seigneur tout honneur. Paca a plébiscité en juin 2007 Nicolas Sarkozy à 62 % lors du second tour des élections présidentielles. Sa chute dans les sondages risquait donc de devenir un véritable drame régional susceptible de nouer nos estomacs au moment de déguster les 13 desserts traditionnels. Heureusement, tous les sondages confirment, depuis le début de la crise, la hausse de popularité de notre président. Le taux de satisfaction des français approche désormais les 50 %. Nous avions élu Nicolas Sarkozy libéral, tendance ultra, le voici du haut de la présidence française de l’Union européenne, réclamant la réforme du capitalisme mondial. Nous l’avions découvert partageant un barbecue estival avec Bush, l’homme des subprimes (1) par lesquelles la crise est advenue. Nous le retrouvons encourageant Obama à lancer un nouveau New Deal (2) planétaire. C’est à Toulon, hommage à notre douce Provence, qu’il a prononcé, en septembre, le discours résumant son nouveau credo. Une profession de foi susceptible de faire passer un meeting d’Arlette Laguiller pour un think tank (3) du Medef. « L’idée de la toute-puissance du marché, qui ne devait être contrariée par aucune règle, par aucune intervention politique, cette idée de la toute-puissance du marché était une idée folle », a martelé Nicolas Sarkozy. Notre président ne jette toutefois pas le bébé avec l’eau du bain : nous allons devoir travailler plus – le dimanche, peut-être jusqu’à 70 ans – sans doute sans gagner plus… à cause de la crise. Faut quand même pas rêver !
La crise profite aux DRH
Prenons un seul exemple : les grandes sociétés industrielles de l’Etang de Berre. La zone regorge d’entreprises sidérurgiques, pétrolières, chimiques, portuaires, objectivement affectées par le ralentissement du commerce international, celui du secteur de l’automobile notamment. Il n’en reste pas moins que leurs comptes d’exploitation sont tous plus que largement positifs avec des bénéfices qui se chiffrent en milliards d’euros. Pourtant, depuis plusieurs semaines les directions des ressources humaines tiennent toutes le même discours à leurs salariés. Il n’y est question que de baisse de la production, de réduction des frais fixes, de mise en congés, de chômage technique, d’arrêt des contrats intérims des sous-traitants… En résumé : patrons, profitez de l’opportunité que vous offre la « crise » pour restructurer, dégraisser, délocaliser…
La crise profite au « hard discount »
C’est devenu un must dans les pages faits divers de nos quotidiens régionaux : le braquage des « Lidl » et autres « Ed ». Les petits malfrats ne se sont pas pris d’un soudain amour pour la camelote bas de gamme, préférant les boites de petits pois aux parures des bijoutiers. Ils savent que la caisse de ces enseignes à bas prix regorge d’argent liquide. Celui des pauvres, des gagne-petit, parfois interdits de carte bleue ou de chéquier mais jamais privés de petite monnaie. Des études récentes de consommation montrent que plus les Français s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat, plus le hard discount réalise de meilleures performances. En tête donc, Lidl, suivi par Aldi, Leader Price, Netto et Ed. Les grandes surfaces, moins fréquentées, réagissent. En communiquant à grand renfort de campagne d’affichage, comme Carrefour par exemple, sur des formules de crédit « revolving ». Ces merveilleuses cartes permettent de « payer dans trois mois sans frais ». Le meilleur moyen afin de remplir son chariot de montagnes de cadeaux pour Noël. La meilleure solution aussi pour surconsommer et sombrer dans le surendettement. Du moment que cela relance la croissance…
La crise profite aux contestataires
Des réformes qui semblaient inévitables ont pris un sacré coup de plomb dans l’aile. Comment justifier par exemple, au moment où les Etats les plus libéraux injectent des milliards pour renflouer des banques, que l’on privatise la Poste ? Le 22 novembre, les manifestations de soutien rassemblant postiers et usagers n’ont pas mobilisé de grandes foules mais le gouvernement semble hésiter à passer en force. L’arlésien Henri Guaino, tête pensante de Nicolas Sarkozy, a même déclaré qu’il « n’est plus question pour l’instant d’ouvrir le capital de la Poste ». Un rapport doit être présenté fin décembre avant une éventuelle décision. En Paca, un appel « pour le développement et l’amélioration des services publics accessibles à tous les citoyens » vient d’être lancé par un collectif inédit (4). Il regroupe six syndicats (CFDT, CGT, FSU, Solidaires, CFTC, UNSA), des associations, des élus, mais aussi des artistes ou des chercheurs. « Dans notre région, aux ghettos du gotha se juxtaposent des poches de pauvreté extrême et la précarité massive, affirment-ils. Tandis que la crise financière et la récession économique menacent maintenant tous les salariés, les retraités, l’immense majorité de la population, les associations, les services publics subissent une attaque sans précédent. Il est temps d’inverser la donne et de modifier les règles économiques et sociales. » C’est une révolution ? Une révolte ? Non, sire, tout juste une fronde. Pour l’instant.
Michel Gairaud
AU SOMMAIRE
-NPA/LCR : C’est la crise finale ! -Charles Milhaud : Mon ami le banquier -Emmaüs : On trouve de tout… -Pernod-Ricard : Ils trinquent ! -Promoteurs : Jackpot social -Monaco : Paradis anti-crise -Victimes : Elles existent !