L’enfer pour les héros

juin 2008
L'Etat français refuse toujours de reconnaître les pathologies dont souffrent ceux qui ont combattu pendant la guerre du golfe.

10rv53red_heros.jpgEn 1991 éclate la guerre du golfe. Trois ans plus tard, en 1994, des militaires américains se plaignent se ressentir des symptômes de natures variées : troubles du sommeil, difficultés de concentration… Le syndrome de la guerre du golfe est né. Dès 2004, les autorités américaines, puis la justice britannique en 2005, ont reconnu les pathologies qui affectent leurs vétérans : troubles de la concentration, fibromyalgies… L’administration US attribue des pensions aux vétérans souffrant de ces maux. Mais en France, en 2008, aucun cas n’a encore été reconnu formellement par le ministère de la Défense ! Face à l’indifférence de l’Etat français, Hervé Desplat, vétéran du golfe, lui-même victime de problèmes de santé « inexpliqués » a créé, en 2000, l’Association des victimes de la guerre du golfe (Avigolfe).

L’association compte aujourd’hui 1 300 membres, des malades ou des familles de soldats décédés. « Les victimes ont toutes en commun d’avoir été en contact plus ou moins direct avec de l’uranium appauvri, utilisé dans certaines munitions, ou d’avoir pris des médicaments, aux effets nocifs, distribués par l’armée et sensés protéger contre les menaces chimiques, explique Hervé Desplat. Ils ont également tous été confrontés au silence et au mépris du système. » Pourtant, une étude publiée par l’Inserm en 2004 a révélé que sur 5 666 vétérans, 83 % souffraient de migraines et autres céphalées, 71 % de troubles du sommeil et 56 % de problèmes de concentration. Plus grave : 64 personnes étaient atteintes de tumeurs malignes et 74 autres présentaient une tumeur bénigne.

L’armée française cherche-t-elle à se défausser de ses responsabilités ? « Sans aucun doute », selon Avigolfe. De fait, le ministère de la Défense continue officiellement de nier que les maladies contractées (cancers, troubles neurologiques) puissent être la conséquence de la guerre du golfe (1). En avril 2007, un certain Nicolas Sarkozy, juste avant les élections présidentielles, a pourtant écrit à Avigolfe une lettre qualifiée « d’encourageante» par l’association. « Nous avons adressé un questionnaire à Hervé Morin, ministre de la Défense. Depuis, rien ! Autrefois, même si les réponses étaient bidons, au moins il y avait un peu de considération. Là, c’est du mépris. Il ne nous reste que la voix judiciaire », s’indigne Hervé Desplat.

Une procédure pénale, instruite par Marie-Odile Bertolla-Geoffroy, juge spécialiste des dossiers de santé publique est en cours depuis 2002, pour faire reconnaître ces maladies. 40 adhérents de l’association ont déposé plainte en se constituant partie civile. L’instruction s’achèvera fin 2008. « Il ne peut pas y avoir de non lieu », tente de se convaincre Hervé Desplat. En attendant, des vétérans malades, laissés pour compte de l’Etat français, s’obstinent à se battre pour arracher un murmure de reconnaissance à la grande muette…

Rafi Hamal

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