Appellations d’origine non contrôlées
Scrutin local oblige, les municipales sont l’occasion d’une explosion poétique sur les affiches et panneaux électoraux. Du style : « Pour que vive Arles ! », « Le Grand Istres », « Nice Ensemble », « Cuers Avenir 2008 »… Le bon sens près de chez vous ! Les candidat(e)s qui portent ces listes sont pourtant loin d’être tous dénués d’intérêts partisans. Il y a même quelques hypocrites. Jean Martinez à Cannes, par exemple, sans parti, sans étiquette et chef de file de « Pour l’avenir de Cannes »… Ce producteur de 45 ans roule en fait pour Michel Mouillot, condamné pour corruption. Mais il y a mieux : Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire UMP, et Jean-Claude Guérini, président socialiste du Conseil général des Bouches-du-Rhône. Les deux prétendants à la mairie de Marseille préfèrent être discrets sur leur identité politique. « Sans étiquette, c’est plus facile de pratiquer l’ouverture », analyse Daniel Van Eeuwen, politologue, directeur de Sciences Po à Aix-en-Provence.
L’argument vaut également pour les dissidents, en particulier ces femmes et ces hommes, ces hommes surtout, qui s’imaginent un fabuleux destin. A l’image d’un Michel Pezet, ancien député et président socialiste de la Région, exilé à Aix-en-Provence, avec l’espoir d’un avenir municipal que ses camarades lui ont interdit à Marseille. Désavoué par les militants locaux, dans un vote controversé, il a finalement monté une liste divers-gauche au doux nom de « Aix à venir ». Il y a également, la liste n’est pas exhaustive, ceux lâchés en route par leur formation, comme l’ex-FN et désormais ex-UMP Jacques Peyrat. Le sénateur-maire de Nice vit désormais libre, sans étiquette, en-dehors de celles qui lui collent à la peau. « Pour des hommes comme Michel Pezet, les comptes se règlent après l’élection, suivant le résultat », nuance le politologue.
Et puis, il y a les élus, véritablement sans étiquettes. « La principale catégorie, explique Daniel Van Eeuwen. Ils se (re)présentent dans les 3/4 des petites communes, celles de moins de 5 000 habitants. Leur engagement se fait essentiellement sur de l’action locale, en fonction de l’intérêt des habitants. » A Port-Saint-Louis-du-Rhône (13), 8000 habitants, le maire, Philippe Caizergues, s’est engagé dans le développement durable, pour contrebalancer les nuisances de la zone portuaire de Fos-sur-Mer. Pistes cyclables, bâtiments municipaux HQE et même un parc éolien (le premier de la région) ont poussé sur le territoire de la commune. « On ne s’installe pas à Port-Saint-Louis pour la vie culturelle ! », plaide l’élu.
L’expérience dure depuis 1989. La recette est simple assure le maire : « En-dehors du projet, il y a le fonctionnement au sein du conseil. 25 ans de communisme orthodoxe avaient installé un vrai raz-le-bol et ont provoqué un engagement d’intérêt communal, avec, en caricaturant, des sensibilités allant de Arlette Laguiller à Jean-Marie Le Pen. On continue de fonctionner comme ça : je ne m’intéresse pas au vote de mes colistiers et je renouvelle mon équipe à chaque scrutin. Cette année, il y aura 2/3 de nouveaux en position éligible, dont d’anciens adversaires. »
Sa neutralité, Philippe Caizergues, candidat à un quatrième mandat, n’est donc pas près de s’en séparer. « En plus, elle ne m’a jamais posé aucun problème avec les collectivités locales ou avec l’Etat », jure le maire. Avant de rigoler : « A part le ministère de l’Intérieur ! Il me colle toujours une étiquette : en 1989 j’étais majorité présidentielle, donc socialiste, et en 1995 divers droite ! » Subterfuge qui permet de rendre les défaites électorales moins chagrines pour le pouvoir en place…
J-F P.