Rolland Courbis, ex-entraîneur de l’OM…
De l’US Police au FC Les Baumettes « Je danse le mia, pas de pacotille, chemises ouvertes, chaînes en or qui brillent… » O fan, mon portrait dans le Ravi, ça va encore être ma fête ! Mais j’adore qu’on parle de moi – « Ro », ou « Coach Courbis » c’est le nom de mon émission foot sur RMC – j’adore passer pour un voyou, avoir l’impression de ne rien faire comme les autres… Alors on y va ! Je suis né à Marseille, dans les quartiers Nord. Mon père était flic. Si, si. Cela m’a transmis certaines valeurs. Par exemple, j’ai joué au foot à l’US Police, mais comme j’avais pas l’âge, mon père m’a inscrit sous un faux nom… Depuis football et mensonge sont les deux mamelles de mon existence. De l’US Police au FC Les Baumettes, ça aurait fait un bon titre aussi. Mais on a préféré intituler le bouquin « Pourquoi mentir ? », avec une magnifique couverture où je pose avec un Pinocchio sur les genoux. On a échappé au pire, sachant que j’avais déclaré à l’occasion : « Un jour, on finira par raconter que j’ai trois couilles. C’est ennuyeux : je serai obligé de montrer les deux miennes, pour rétablir la vérité…» Ah, vérité, mensonge… « Moi, il m’arrive de mentir. Par nécessité, par obligation, pour atténuer une peine, cela m’arrive assez souvent ». (1) Faut aider un peu le destin parfois, lui tirer le maillot en douce… En tant que footballeur, j’ai fait une carrière honorable mais sans plus, avec deux titres de champion de France avec Monaco, et deux sélections en équipe nationale. Je jouais défenseur central. J’étais « rugueux » comme on dit poliment pour les coups de coude discrets dans le foie des joueurs adverses et les crampons qui traînent sur les tibias. J’ai commencé à l’OM, à la belle époque de Skoblar et compagnie, mais je n’avais pas le niveau. Alors je suis allé jouer à Ajaccio, puis en Grèce. Retour en France, avec Sochaux d’abord, puis Monaco, mes belles années, champion de France, la Côte, la gloire, les gonzesses, les boîtes branchées, le pognon qui dégouline, la flambe… J’étais fait pour Monaco ! Le pompon, je l’ai décroché avec la comtesse Rizzoli, épouse du magnat italien. « Oui, j’ai rencontré une jeune fille belle, riche, intelligente, célèbre. C’est promis, la prochaine, je la choisirai moche, conne et fauchée. OK, je m’excuse. » (2) Enfin, jeune fille, elle avait quinze ans de plus que moi… Ça a été le conte de fées à la Voici-Gala. La belle et le clochard version monégasque, on ne disait pas encore « bling-bling » à l’époque. Moi, avec mes airs de mauvais garçon un peu gitan et puis elle, madame la comtesse, la villa de rêve à Saint-Jean-Cap-Ferrat, les Rolls, les larbins en gants blancs, les soirées jet set, la flambe au casino avec la « squadra azzura », des copains ritals de la comtesse qui ne savaient pas quoi faire de leur blé, je les « coachais » déjà, vas-y Enzo, mets tout sur impair… Un soir, je me suis fait 1,6 million de francs à la roulette. Tu vois le topo, coco. Seule ombre au tableau, les soupçons de corruption des croupiers qui faisaient que j’étais surveillé comme le lait sur le feu, et puis le fisc qui me cherchait des poux dans la tête, un redressement par ci, un redressement par là… Bref, tout cela m’a valu une garde-à-vue et une interdiction d’accès aux casinos français depuis 1990. Je n’ai jamais cherché à la faire enlever. Joueur, mais pas complètement brûlé. Et puis il reste les cartes pour s’amuser. Parallèlement à ma carrière dans les salles de jeux, je deviens inévitablement entraîneur. « Coach Courbis » a commencé à Toulon… Dès le début, j’ai eu des emmerdes, des soupçons de dopage, caisse noire pour payer les joueurs en grugeant le fisc… Le fisc et moi, une longue histoire d’amour. Je me suis payé le luxe d’insulter Charasse, ministre des finances alors et pote de Tapie. Cela m’a coûté 3 mois ferme de taule cette histoire, mais vivons heureux, vivons cachés, c’est pas vraiment ma devise. Ensuite, j’ai entraîné Bordeaux, Toulouse, puis l’OM, sommet de ma carrière d’entraîneur. Depuis, je fais dans les clubs de troisième zone : Abou Dhabi, Vladikavkaz, Ajaccio et Montpellier en D2… Avec l’OM, on a atteint une finale de coupe de l’UEFA, et puis deuxième du championnat en 1999. Mais surtout, du pognon en veux-tu en voilà… Magouilles dans les transferts, comptes truqués, commissions occultes… Un beau pataquès où tout le monde s’est bien gavé, moi en tête. En première instance, je me suis pris deux ans fermes, 375 000 ? d’amende et cinq ans d’interdiction d’exercer dans le milieu du foot. L’appel n’a pas vraiment changé la donne, aussi je me pourvois en cassation. Ça me permettra au moins de finir la saison avec Montpellier, que j’entraîne. Il faut dire qu’avec le reliquat de sursis des affaires toulonnaises, je risque trois ans et demi de cabane. Alors banco, plus rien à perdre…
Paul Tergaiste
Pourquoi mentir, ed. Michel Lafon, p. 14 Le Nouvel Observateur, 24/10/1996