Mariani, maladroit(e) décomplexé

octobre 2007 | PAR Paul Tergaiste
Si Sarkozy braconne sur les terres d'extrême-droite, Mariani, quant à lui, franchit régulièrement la frontière muni d'un ausweis.

« Je-je suis liberti-neu, je suis une catin ! » Ah, Mylène Farmer, ses tenues d’hétaïre incitant à la fornication, cette peau laiteuse qui appelle le fouet, cette toison rousse de sorcière qui sent le fagot, c’est une abomination, un scandale, il faut l’interdire, l’enfermer, la ligoter, la bâillonner, la… (il s’arrête, essoufflé et empourpré). Donc, je suis Thierry Mariani, vauclusien authentique… Avec un nom italien, c’est louche, vite un coton-tige dans le cul – que Dieu me pardonne – afin que je me prélève l’ADN ! (Pendant qu’il procède délicatement à l’intromission, il continue).

Je suis né voici 49 ans à Orange, la ville encore tenue par l’ex-FN néo-MPF Bompard, et je suis « petit-fils de viticulteur de Cairanne, et fils d’artisans du bâtiment à Valréas » (1) Tout ça sent bon le journal de 20 heures de Jean-Pierre Pernaut, la France éternelle, la terre qui ne ment pas… J’ai fait le séminaire, c’est là que s’enracine le socle rance de mes valeurs. Du message d’amour christique, je n’ai rien retenu pour mieux me couler dans le conformisme étriqué des curés complices du pognon, qui soulagent les âmes des riches aussi bien que les sociétés offshore blanchissent les narcodollars. D’où mon sourire faux-cul de séminariste. La deuxième couche, je l’ai reçue à l’Ecole militaire d’Aix. D’où mon balai dans le cul. Merde, le coton-tige ! (il s’éclipse et puis revient).

Émule du cumul

Après des études de droit, je me suis engagé tôt en politique, je suis devenu rapidement un vrai pro, cumulard de première, et à l’époque de ma splendeur, j’ai fait le grand chelem : député du Vaucluse, maire de Valréas, conseiller général du Vaucluse, conseiller régional de Paca. Ma tactique ? Faire de la surenchère avec le FN, bien implanté dans le département. Mais au-delà du petit jeu de détournement de clientèle, je suis un authentique représentant de la droite « décomplexée ». Au fait, c’était quoi le complexe de la droite ? La collaboration, bien sûr ! Sarko a fait du bon boulot , on peut récupérer l’héritage maintenant : racisme, homophobie, eugénisme, flicage, « darwinisme » social, propagande, collusion affichée avec le pouvoir économique… C’est reparti comme en 40 !

Les sujets de société, c’est porteur, et de temps à temps, j’arrive à m’extirper de l’anonymat de l’hémicycle en sortant une perle. Et tandis que les journaleux et intellos parisiens me donnent des leçons de morale, j’engrange les points dans les chaumières. Dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, j’ai repris la recette à mon maître vénéré Sarko, qui la tient de Le Pen. Bref, « je fais une grosse connerie tous les cinq ans. C’est là qu’on vient me voir… » (2) La dernière en date, c’était la « mission » foireuse avec Didier Julia en Irak, vous vous rappelez ? Ce n’est pas faute d’en faire plus, mais elles ne sont pas systématiquement médiatisées.

« Je fais une grosse connerie tous les cinq ans.« 

Je bombarde les ministres de questions écrites, je propose des amendements de partout. Farouche opposant au PACS, à la Gay Pride et à l’IVG, gardien de la morale sexuelle, je suis aussi monté au créneau sur la question de la prostitution étudiante, pauvres filles, mais surtout « les vrais et honnêtes professionnelles se trouvent associés à ces pratiques dangereuses » (3). Vrais et honnêtes comme Alain Agostini, mon poulain aux municipales d’Orange en 2001, mis en examen avec son épouse et placé sous contrôle judiciaire pour… proxénétisme en bande organisée. Ils avaient ouvert un salon de massage « particulier » où exerçaient une quinzaine de filles (4). A part les histoires de fesses, je tape aussi sur les jeunes : rappelez-vous, l’amendement contre les « raves » et autres « free parties », autorisant la police à saisir la sono… Ah, Seigneur, ces rassemblements de débauche où la jeunesse dévergondée écoute de la musique bestiale, où l’on se drogue, où l’on se vautre dans le stupre…

Mais comme toujours, derrière la pudibonderie se cachent des intérêts économiques : à l’époque j’étais en effet président du groupe Cafés-hôtels-restaurants-discothèques à l’Assemblée nationale. Un sérieux manque à gagner que tous ces jeunes qui s’égayent dans la nature plutôt que de consommer chez les limonadiers. Je représente aussi les intérêts des majors du disque, faisant passer des amendements à la loi DAVDSI qui m’ont été directement soufflés par Vivendi-Universal. C’est aussi en ami des arts que j’ai fait des pieds et des mains pour que le village de Visan, dans le Vaucluse, accueille la Ferme des Célébrités, ce rafraîchissant divertissement sur TFI, où l’on a pu voir Vincent McDoom et Danielle Gilbert traire des vaches, à moins que ce ne soit le contraire.

« Sans scrupules »

Entre autres faits d’armes, j’ai brillé en refusant de voter pour la journée en mémoire des morts de la guerre d’Algérie, et j’ai appelé mes élus locaux à soutenir Nicolas Miguet, populiste notoire et affairiste véreux, dans sa quête aux 500 signatures pour le premier tour des présidentielles, et j’en oublie. Mais là où j’excelle, c’est dans la chasse aux métèques. J’ai fait passer un amendement punissant les travailleurs clandestins, tout en laissant tranquille les esclavagistes qui les exploitent. Toujours du côté du faible, telle est ma devise ! L’immigration choisie, je suis 100 % pour : « Si des millions de personnes veulent quitter leur pays à cause de la misère, c’est notre droit, sans scrupules, d’accueillir les meilleurs d’entre eux » (5) Sans scrupules. Il n’en faut guère en effet pour affirmer cela. Si on avait appliqué ça à mes aïeux ritals, des prolos sans qualification ne parlant pas un mot de français, hé bien je ne serais pas là pour pondre des amendements à la con.

Et puis maintenant, les tests ADN, qui viennent de se faire retoquer par le Sénat. Ouais, je suis plus réac que le Sénat, incroyable, non ? Les tests ADN pour les immigrés, ça s’inscrit dans une logique de fichage généralisé. On a commencé avec les délinquants sexuels, Estrosi a plaidé pour le fichage des enfants dès la naissance… Et derrière ces dérives totalitaires, toujours des intérêts financiers, bien sûr. Imaginez l’implication financière pour les sociétés d’assurances, quand tout le monde sera fiché ! Toutes ces positions admirables m’ont valu l’hommage appuyé de Minute, le journal d’extrême-droite, évoquant « la nécessité de garder un tel élément perturbateur à l’Assemblée nationale » (6). Malgré tout cela, je n’ai récupéré aucun maroquin… Je l’ai mauvaise parce que pire que cela, je me suis fait doubler par des Fadela Amara et autres gauchistes d’origine douteuse. Mon Dieu, aidez-moi, ils sont partout !

Article paru dans le Ravi #47, octobre 2007

1. Site Internet www.thierrymariani.fr

2. Le Monde, 21/09/07

3. Question du député Mariani au Ministre de l’Intérieur Sarkozy posée au mois de janvier 2007

4. Lire le Ravi n°39

5. Interview sur www.linternaute.com, mars 2006

6. Minute, 03/04/2002