Revest : le village à la ville

juin 2004
Dans le Var, un maire protège jalousement sa commune du béton. Au risque de transformer le village en forteresse imprenable pour privilégiés

Le-Revest-les-Eaux serait-il le village gaulois du Var, le dernier résistant à l’invasion des villas et des lotissements ? Aux portes de Toulon, la commune est enserrée entre les montagnes et les pentes abruptes. Mais les difficultés du relief n’ont pas empêché l’urbanisation progressive du village. En 1999, avec près de 3 500 habitants, Le Revest semble promis à un fort développement. Mais tout le monde n’est pas d’accord : le maire de l’époque se fâche avec son directeur de cabinet, Ange Musso, à propos d’une nouvelle ZAC (Zone d’aménagement concertée) qui devrait accueillir quelques centaines de nouveaux Revestois. Lors de la campagne municipale en 2001, le directeur de cabinet se présente contre son maire, et contre les nouvelles constructions au Revest. Il gagne les élections. « La population revestoise veut que Le Revest reste un village et conserve son âme, raconte aujourd’hui Ange Musso. Ici, il y a trois types de populations : les anciennes familles qui ne sont plus que deux ; ceux qui sont venus de Toulon il y a trente ans, quand c’était un village perdu ; et une deuxième vague plus récente, qui sont venus avec une envie de village. Finalement il n’y a que les propriétaires terriens qui veulent continuer à construire pour vendre le terrain. » Le maire avoue également que sa commune profite de Toulon et de la Valette du Var, pour les équipements ou les hypermarchés. Mais il garde son pouvoir en matière d’urbanisme au sein de la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée. Il a ainsi réussi à faire reconnaître Le Revest comme poumon vert de l’agglomération toulonnaise.

Ange Musso s’entend bien avec ses proches collègues (« J’ai adhéré à l’UMP à 90 % pour Hubert Falco »), mais il égratigne les élus varois. « Leur objectif principal, c’est le développement de leur commune, poursuit-il. Ce qui me choque, c’est que l’on veuille protéger l’environnement, et qu’en même temps on ouvre à l’urbanisation les zones naturelles. Quand on commence à construire, c’est fini. On peut faire attention au début, puis très vite, on en a marre d’arroser le gazon et de marcher dans la boue, et on bétonne. » Des arguments qui ne sont pas vraiment débattus au sein des partis, car les élus entre eux ne semblent pas vouloir parler d’urbanisme. « Je me demande même de quoi on débat… »

Au Revest, le Plan d’occupation des sols prévoyait une croissance jusqu’à 10 ou 12 000 habitants ; la nouvelle équipe a ramené ce chiffre à 4 500, en déclassant des zones urbaines en zones naturelles. « C’est un horizon durable. On s’arrêtera là. » Reste un quartier déjà urbanisé qui pourrait être « densifié » à l’avenir. Et encore : « Les habitants de ce quartier sont contre la densification. Et ils votent à 60 % pour moi… » Alors le Revest, forteresse imprenable pour privilégiés ? « On nous parle de sanctuaire. C’est vrai qu’il y a un côté égoïste, on ne peut pas le nier. Nous ne voulons pas devenir une ville parce qu’on souhaite aussi maintenir un taux de taxes très bas. Toutes les communes de plus de 10 000 habitants ont des taxes de quatre ou cinq points plus élevées que nous. Et le seul avantage, c’est qu’elles peuvent se payer des cadres pour leur administration. Nous, on a fait un autre calcul, financier et environnemental. »

EB

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