Culture : politique « cul-terreuse »
La Dracénie a cru replonger, il y a un an, dans une période que ses habitants pensaient définitivement révolue : celle des années 90. « Un vide culturel, un peu comme l’Atlas marocain », se souvient Richard Frêche, président de l’Usine de la Redonne, une friche alternative située à Flayosc. Le licenciement de Liberto Valls, directeur artistique respecté mais gestionnaire et patron contesté, a fait craindre à beaucoup la fin de l’aventure du Théâtre en Dracénie qu’il animait. Archipels, l’association gérant la structure, a accusé Valls de faute grave devant la justice (1). Max Piselli n’a jamais caché son aversion pour une programmation qu’il jugeait « élitiste ». Le maire UMP de Draguignan préfère les opérettes et le théâtre de boulevard. La nomination à la tête d’Archipels de Rémy Goffinet, un officier à la retraite proche du 1er magistrat, pouvait faire craindre le pire. Tout comme le lourd déficit financier, imputé lui aussi à Liberto Valls. Si Rémy Goffinet a obtenu gain de cause devant les Prud’hommes en septembre (2), les inquiétudes concernant le sort de la structure ont été levées avec la nomination d’une nouvelle directrice (3). La programmation a simplement été allégée pour répondre aux contraintes financières. « La programmation hors murs n’a pas été prise en compte », regrette toutefois Christian Martin, ancien maire socialiste de Draguignan, initiateur du théâtre. Avec une force d’attraction qui dépasse largement la Communauté d’agglomération dracénoise (CAD), ses créations et sa programmation atypique, Théâtre en Dracénie reste un lieu indispensable dans un paysage culturel local particulièrement isolé !
« Il faut un équipement complémentaire », convient Yves Rosé, maire socialiste de La Motte. Depuis plusieurs années, le projet d’une salle de spectacle est dans les cartons de la CAD dont il est vice-président. Sous la pression des financeurs, le Conseil général du Var en particulier, ce devrait être une salle de concert. Le lieu d’implantation a été choisi : Le Muy ; reste à finaliser le projet. « Je suis limité dans les financements. On ne peut pas tout faire. Il y a aussi les médiathèques à construire ou à rénover, le problème du conservatoire de musique de Draguignan, sans compter les désirs des autres communes. On ne peut pas continuer à multiplier des stades en pelouses synthétiques avec des tribunes et avoir de grandes ambitions culturelles ! », tempête Yves Rosé.
« Dans le milieu rural, les maires ne voient souvent pas l’intérêt de la culture. Elle est d’abord pensée comme une animation », regrette Amar Constantine de Contact sud musique, l’association organisatrice du Festival des Collines (lire ci-dessous). Deux exemples : Christian Martin, qui avait pourtant mis en place un lieu d’enregistrement et de répétition à Draguignan, ignore ce qu’est devenu le projet lorsqu’on lui pose la question… Quant à la friche des Remparts, ouverte il y a tout juste quatre ans par Hugues Veillot, elle a définitivement fermé en novembre dernier. « C’était programmé, mais la propriétaire n’aurait pas été contre le fait de poursuivre avec la mairie », explique le fondateur du lieu et de Tabarnak, association « pour le développement et la diffusion de la création picturale contemporaine » aujourd’hui installée à l’Usine de la Redonne. Pourtant la Friche des remparts répondait aux normes de sécurité et avait conquis un public. « L’aide municipale a été décroissante et constamment minorée par rapport à la fréquentation ».
Amar Constantine refuse cependant de tout mettre sur le dos des élus : « La mairie de Draguignan ne nous a jamais refusé une salle. Il faut s’adapter à une réalité : même s’ils sont frileux, les maires n’y peuvent rien lorsque 150 personnes viennent à ton concert au lieu des 500 espérées ». Après avoir « bouillonné » à deux reprises, les Mask Feuillus, association qui organisait concerts et festivals (ska-rock), a également décidé de repenser son activité. Les expériences locales ne sont heureusement pas toutes vouées à l’échec. L’usine de la Redonne, une ancienne savonnerie de 600 m2 située sur un terrain de deux hectares, est en plein essor (4). Ouverte en 2002, treize associations artistiques, culturelles et agricoles y sont aujourd’hui implantées. « L’idée est de créer un lieu de rencontre, de débat et d’échange où les gens sont acteurs, et pas seulement consommateurs, explique Richard Frêche, président de la compagnie le Théâtre du Lézard. Par exemple, pendant que les gens travaillent dans les jardins solidaires, on fait des lectures ». Lieu de création plus que de diffusion, l’Usine est cependant quasi-exclusivement réservée à l’usage de ses quelques 300 adhérents. Mais elle s’ouvre ponctuellement au public. En 2004, pour une fête, plus de 1000 personnes s’y sont pressées. Signe d’une attente non assouvie en Dracénie ?
J-F P.
LES COLLINES SAUVÉES
Obligée d’annuler sa dernière édition à cause d’une gendarmerie trop zélée (voir le Ravi n°33), le festival des Collines devrait poursuivre son aventure. Mais sous une nouvelle formule. Incité par ses partenaires financiers et le désir de préserver un peu les vacances estivales des bénévoles, le festival devrait être décalé à l’automne (week-end de la Toussaint). Plus petit et sous chapiteau, il souhaite renouer avec l’esprit qui l’avait fait connaître : un cocktail intimiste de musique, de débats et de rencontres en tous genres. Ses dernières dettes (60 000 euros) n’étant toujours pas épongées, des concerts de soutien sont toujours à l’affiche. Et une compilation est en vente. (Cf nos « rencards » page 22 et infos : www.delacolline.org).