Grogne sociale : Pourrissement ou printemps ?
Historique la mobilisation du 1er mai. C’est la première fois depuis la Libération que les syndicats s’accordent pour manifester de façon unitaire. Paradoxalement, leur convergence cache à peine une grosse faiblesse. Car après les mobilisations massives, elles aussi historiques, du 29 janvier et du 19 mars, les grandes confédérations syndicales ont eu bien du mal à répondre à la question du camarade Lénine : que faire ? Une grève générale interprofessionnelle reconductible comme en rêvent les militants les plus radicaux ? Peut-être, mais pour défendre quelle alternative politique ? « Il y a un risque révolutionnaire en France. » La formule n’est pas d’Olivier Besancenot, le jeune papa fondateur du NPA, mais de Dominique de Villepin, moins jeune ex-premier ministre UMP entré en dissidence.
Comment va évoluer la grogne sociale qui s’étend dans le pays ? Partout, l’heure est à la radicalisation. Aucun patron n’a encore été séquestré en Paca. Voire. Le 15 avril, une vingtaine de cadres d’Ascométal, le groupe métallurgique, ont été « gentiment » retenus à Fos-sur-Mer (13) jusqu’à une heure du matin par des salariés exaspérés suite à un chômage partiel mal rémunéré. Loin des hauts fourneaux, dans les écoles, l’ambiance est aussi chaud-bouillant. Un appel dit du « 21 avril des enseignants du primaire en résistance pédagogique » invite par exemple les instits, leurs syndicats, et les parents d’élèves « à l’insurrection non violente pour faire barrage à la destruction de l’école publique ». Une 3ème journée de « désobéissance dans l’Education nationale » est programmée le 6 mai.
Impossible de lister tous les symptômes, dans toutes les professions, qui attestent d’une poussée de fièvre. Dans leur diversité, les mouvements sociaux qui se multiplient ont un point commun : relayés, encadrés par les syndicats traditionnels, ils leurs échappent pour une grande part. Autre caractéristique : les conflits, d’une durée rarement égalée, sont aussi souvent l’occasion d’expérimenter sur la forme. Celui dans les universités est à ce titre exemplaire : banquets sur la place publique, randonnées pédagogiques, cours gratuits dans les rues… Depuis des mois, ceux qui se mobilisent pour les sans-papiers multiplient eux aussi les actions symboliques et concrètes comme les cercles de silence, les actions de « délinquants solidaires »…
Si l’absence de perspectives politiques mine à la longue le moral des militants, si l’inflexibilité du gouvernement, qui recule parfois mais ne change jamais de cap, fait craindre le pourrissement de certaines situations, la France qui revendique et se révolte le fait plutôt dans la bonne humeur. Entre les manifs de droite costumées de la Brigade opérationnelle utopique Marseille (Boum) et le collectif « Velorution » niçois invitant à une « action directe » dans une « ambiance amicale et contestataire », l’heure n’est heureusement pas toujours à la déprime. L’humour est la politesse du désespoir. Il peut être aussi une arme redoutable…
Michel Gairaud
AU SOMMAIRE
La manif à papa fait de la résistance
Entretien : « Le militant nouveau est arrivé »
L’humour, l’arme fatale
« Ras-le-bol des manifs répétitives ! »
J’aime mon patron : je le séquestre
Tribune : « La crise oblige à être inventif »
Agir & penser
Silence, on manifeste !
Radicalement gentil