Pigistes : des sous-journalistes ?

janvier 2009
Pour gagner sa vie en tant que pigiste, mieux vaut éviter Paca. Ou changer de métier. Rencontre avec le collectif de pigistes Presse papiers.

« La presse régionale est sinistrée »

« Il risque d’y avoir peu de monde. » Marjolaine, du collectif de pigistes Presse papiers, avait prévenu. De fait, seules quatre trentenaires sont attablées ce 21 janvier au premier étage du Festival, un bar pas trop « branchouille » du centre d’Aix-en-Provence.

Malgré les circonstances, ça n’a rien d’une soirée filles. Les confidences ne sont d’ailleurs pas forcément joyeuses. Légalement salariés des médias qui les emploient, les pigistes ne sont pas toujours à la fête. Les traits tirés, Alexis évoque une vie professionnelle pas franchement rose : exploitation, photos et frais non payés… Elle avoue un revenu mensuel au niveau du SMIC. « Pour gagner sa vie, il faut travailler 70 heures par semaine », assure Andrea, à l’origine du collectif fondé en 2006. Et cette spécialiste de l’environnement de préciser : « Le feuillet [maître étalon de la presse écrite, 1500 signes, environ un tiers de cet article, Ndlr] oscille entre 5 et 250 euros, les bons plans, bien payés et réguliers, sont rares. » A écouter cette petite brune de 31 ans, Paca est loin de faire figure d’Eldorado. « Les féminins sont complètements bouchés et la PQR et les culturels ne paient pas. Pour moi, la presse régionale est sinistrée », poursuit Andrea. Autre preuve : en 2006, le Syndicat national des journalistes (SNJ) dénombrait seulement 283 pigistes et CDD dans la région, dont environ la moitié dans les Bouches-du-Rhône. Plus rémunératrice, la presse spécialisée y est, de plus, rare.

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« Un peu de luxe sur la Côte d’Azur, quelques économiques, un groupe centré sur l’armement et la diplomatie », détaille la jeune femme. Après trois ans de gratuits, de presse Internet et une expérience mitigée dans le grand reportage (un an à trouver preneur pour un sujet sur Bornéo), elle jette l’éponge pour se lancer avec son frère dans la création d’une entreprise de communication et reportages, spécialisée dans la solidarité et l’environnement. Histoire de répondre à une demande des ONG tout en gardant un pied dans le métier.

« L’accord sur les pigistes pourrait créer une catégorie de sous-journalistes »

La précarité n’est cependant pas systématique. Georges, un quadra photographe, avoue de son côté « bien s’en sortir. » Il a ses « clients » et quelques exclusivités à son actif. Autre exemple : Laure, une brune à mèches blanches. Journaliste juridique et pigiste par choix – « souplesse des horaires, changements » -, elle ne collabore qu’avec des titres parisiens. Après huit ans, elle « gagne bien sa vie, environ 2000 euros par mois » et a désormais « trop de boulot. » Tout sourire, Marjolaine devrait en profiter. « On est un réseau. On se refile des infos, des sujets », développe rapidement Laure. Et éventuellement des piges. Ça discute également de la profession. Comme ce mercredi soir avec l’actualité brûlante des Etats généraux de la presse : contre-propositions du Rassemblement des associations de pigistes et les Pigistes en colère, deux structures dont Presse Papiers est l’antenne locale ; l’accord sur la formation des pigistes, signé en novembre par trois syndicats minoritaires… « S’il est approuvé, il pourrait créer une catégorie de sous- journalistes », prévient Laure, nouvellement encartée au SNJ. Face aux attaques dont ils sont de plus en plus l’objet, les pigistes, par essence individualistes, s’organisent. En collectif…

Jean-François Poupelin

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