Une collectivité très urbaine avec l’empereur de la sanisette
Difficile de se séparer après une union de près de 40 ans. Lancée en 2005, la procédure de renouvellement du mobilier urbain de Marseille et de 14 autres communes de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) est toujours au point mort (1). Particulièrement tatillonne, MPM en est à son cinquième appel d’offre (2) ! Il lui manque toujours un abribus quelque part…
Voté le 17 décembre 2007 (le précédent datait de juin de la même année), il n’a d’ailleurs toujours pas été lancé. Une situation particulièrement favorable à JC Decaux, l’actuel délégataire : lié par le contrat initial de 1969, le n°1 mondial du mobilier urbain ne débourse pour l’instant pas un kopeck. « A l’époque, on était plus dans un système de troc », explique Jean-Christophe Massé, assistant du groupe socialistes, verts, radicaux et apparentés de MPM. « En contrepartie de l’utilisation du domaine public [et aussi de la perception des recettes de la publicité installée, Ndlr], nous assurons la fourniture, l’installation et l’entretien du matériel. Sans compter les 90 relais Infos-service de l’affichage institutionnel », précise Franck Dizdarevic, directeur régional de JC Decaux. Ces prestations, toujours présentes dans les nouveaux marchés de mobilier urbain, sont en général complétées par une redevance sur l’occupation du domaine public calculée sur les recettes publicitaire perçues. Curieusement, pas à Marseille. Tant que l’appel d’offre ne sera pas pourvu, MPM ne touchera donc pas de revenus. Pour une collectivité surendettée et en manque de liquidité, c’est bien dommage. La situation fait fulminer François-Noël Bernardi, président sortant du groupe socialiste à MPM : « Alors que les vélos nous coûtent plus de 3 millions d’euros par an, avec des recettes qui rapportent peanuts (voir ci-dessus), JC Decaux ne paie toujours pas pour la publicité ! »
A Paris, l’empereur de la sanisette verse 3,4 millions d’euros par an à la municipalité. Il est vrai que Bertrand Delanoë a couplé l’installation de ses « cyclocity » avec l’exploitation du mobilier urbain. Une pratique très chère à JC Decaux, que n’a pas pu mener à terme la communauté urbaine de Marseille. Son appel d’offre groupé de 2005, comprenant également l’installation des abris du tramway, a été contesté publiquement par Clear Channel, le principal concurrent du roi de l’abribus. Le renouvellement du mobilier urbain, initialement prévu pour 2009, s’étalait de 2008 à 2010. Une pratique jugé anticoncurrentielle par le conseil de la concurrence dans son avis de 1998…
Pressé de faire rouler son tram et ses « vélo » avant les municipales, Jean-Claude Gaudin relance alors un appel d’offre uniquement sur cette tranche du marché. Seul candidat, le n°1 mondial du mobilier urbain l’emporte. Si la séparation des deux marchés paraît finalement une bonne chose – « on sait au moins combien les vélos coûtent », positive François-Noël Bernardi – le calendrier paraît plus contestable. « Il y a eu un manque d’intelligence de MPM : elle paie sans savoir combien elle va récupérer », s’étonne Jean-Christophe Massé qui n’est pas au bout de ses surprises : contrairement à l’appel d’offre de juin 2007, qui fixait une redevance minimum un poil inférieur au coût des vélos (un forfait de 216 à 5 360 euros par mobilier et par an), celui de décembre que s’est procuré le Ravi n’en indique aucune. Exit également l’échéance d’août 2008 pour l’installation du matériel.
Heureusement, tant que l’appel d’offre n’est pas lancé, Renaud Muselier, le prochain président de MPM, a le temps d’en faire voter un sixième. Ce qui ne devrait pas trop contrarier JC Decaux.
J-F. P.
(1) Contactés, ses services n’ont pas donné suite aux sollicitations du Ravi.
(2) Tranche ferme : 962 à 1 012 abribus, 617 mobiliers urbains de 2m2 et 8m2, 30 colonnes Morris et 35 journaux électroniques d’information. Tranche additionnelle : 97 abribus.