Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille
« Je mesure, à sa juste valeur, l’honneur que représente mon élection de maire pour la troisième fois par le conseil municipal. » (1) Quelle couillonnade ce discours inaugural ! C’est bien le style de Gondard, ce mouligasse ! (2) Qu’est-ce qu’on s’emmerde ! Enfin, il faut ce qu’il faut… Je ne vais quand même pas leur chanter du Fernandel aux nouveaux conseillers municipaux. J’imagine la tête de ce fada de Guérini qui se voyait à ma place. D’ailleurs, j’ai déjà fait le coup dans un meeting pendant la campagne. Quelle rigolade ! Et puis, zoù ! Il y a degun. J’ai le droit de m’amuser un peu. Je me suis suffisamment escagassé pour éviter le naufrage complet avec tous ces calus qui m’entourent. (Le maire soulève péniblement ses 120 kilos pour s’extraire de derrière le bureau que présidait autrefois Gaston Defferre. Il jette un coup d’?il complice à la Bonne Mère, qui semble l’observer derrière les fenêtres, et esquisse quelques pas de danse en ondulant du bassin). « Je m’offris une gibelotte. Elle embaumait l’échalotte. Guérini aussi ! J’ai promis aux Marseillais la lune. Ils se contenteront de prunes. Guérini aussi ! » Maaazette ! Il a encore de la ressource, le papet ! Oh, bien sûr j’ai bien failli m’embroncher dans les urnes cette fois-ci. Mais qu’est ce qu’ils veulent ces Marseillais, ces ingrats ? Une ville propre ? « Soyez honnête, il vous arrive d’aller à Paris ? Est-ce que c’est plus propre qu’ici ? Non ! » (3) D’accord, je sais. Il y a moins de bordilles au Sud, du côté du Prado et des beaux quartiers, qu’au Nord de la Canebière. On ne va quand même pas s’emboucaner pour quelques papiers gras qui traînent dans les pieds de pébrons à peine français, même pas inscrits sur les listes électorales. Et quand ils votent, c’est à gauche ! Au fait, vous avez aimé ma campagne « mieux nettoyer et salir moins » ? Elle était pas belle l’affiche avec en premier plan la merde de chien plus grosse que la sardine qui a bouché le Vieux Port ? Avec Bertrand (4), on s’est dit : la meilleure défense, c’est l’attaque. La ville est dégueulasse, accusons une fois de plus les Marseillais d’incivisme. Ce ravi de Guérini ! Vouloir mettre fin au « fini parti » pour la collecte des ordures, exiger une organisation rationnelle des services à Marseille Provence Métropole ! Pourtant, il en connaît un rayon en clientélisme, le pitchoun. On a été tous les deux nourris à l’aïoli defferriste ! Je me suis bien gardé, moi, de contrarier le syndicat Force ouvrière des territoriaux. Pour le prix, ils ont dit tout le bien qu’ils pensaient de mes deux premiers mandats. En toute « liberté et indépendance », les braves ! Allez, c’est déjà de la vieille histoire. Toutes les bordilles, on va aller les cramer à Fos-sur-Mer, chez les socialos. Et tant pis si là bas ils disent « Gaudin, il va faire naître les petits bossus et la bosse, elle ne part plus. » (5) Je m’engatse ! C’est parce que je suis cané. Pendant que l’autre, il fait le beau avec sa Carla, j’ai bien failli être Fanny. « Si les Marseillais nous veulent, ils nous donnerons des voix partout. » (3) C’est ma fameuse théorie des courants que j’ai expliqué doctement sur tous les tons. Heureusement que les journalistes n’ont pas de mémoire ! Résultat : ce mariole de Roatta avec son beau bronzage – quel dormiasse ! – Ségolin n’a pas eu du mal à le dévorer tout cru (6). Je me retrouve avec quatre maires PS sur les huit que compte la ville. Et une majorité avec seulement deux conseillers municipaux d’avance. Je vais vous dire : m’en fouti ! En 2014, je soufflerai ma 74ème bougie. Il me faudra bien lâcher le morceau. Rien que d’y penser, je suis estransiné. D’ici là, cela va être un brave pastis. Les Muselier, les Teissier, les Blum, ils vont tous chercher à s’emplâtrer pour me succéder. J’ai distribué quelques hochets façon de les distraire, c’est ce que j’appelle mon « gouvernement de mission » (7). Pour çà, je me décarcasse ! Mais c’est pas tout ! Les caisses sont vides et je suis le dernier à compter sur la palanquée de promesses que Sarkozy – quel mafalou ! – m’a adressé par lettre la veille du 1er tour. En vérité, je vous le dit (le maire se signe), je ne vois qu’une solution : m’escaper à Paris. Je ne vais pas parpeléger des heures : il me plaît franchement le fauteuil de président du Sénat. Il m’a l’air bien confortable pour se radasser jusqu’à ce que l’heure de la retraite sonne. Si le petit Nicolas veut me renvoyer l’ascenseur, il sait ce qu’il lui reste à faire. Mais je me languis ! Va falloir que je pousse encore deux ou trois garris dans les orties. Bon, j’en étais où ? Ah, oui ! Mon discours. « Maintenant le nouveau maire de Marseille va faire gagner Marseille encore davantage pour partager la réussite avec tous les Marseillais. » (1) Peuchère ! Quelle couillonnade !
Rackham
(1) Déclaration solennelle du maire de Marseille, le 21 mars, devant le nouveau conseil municipal.
(2) Jean-Claude Gondard, le directeur général des services à la ville de Marseille rédige les argumentaire et, souvent, les discours, de Jean-Claude Gaudin
(3) Conférence de presse du 18 février 2008 pour présenter les candidats.
(4) Claude Bertrand, l’homme de l’ombre, le fidèle stratège et directeur de cabinet de Jean-Claude Gaudin.
(5) Plaisanterie de Jean-Claude Gaudin, notamment lancée lors des v?ux à la presse en janvier 2008.
(6) Patrick Mennucci, directeur de campagne de Ségolène Royal et de Jean-Noël Guérini, a emporté le 3ème secteur jusqu’alors détenu par Jean Roatta.
(7) Renaud Muselier a obtenu la présidence de l’agglomération Marseille Provence Métropole ; Roland Blum a été nommé 1er adjoint ; Guy Teissier a été gratifié de la présidence de l’établissement public Euroméditerranée.