Gilbert Perugini

mai 2008

« Je suis une peau-rouge qui jamais ne marchera en file indienne. » C’est l’une des cinq phrases que Caroline Amoros, auteur et comédienne de la compagnie Princesses Peluche, écrit le 29 mars avec une peinture effaçable sur la chaussée de Cuers, petite commune du Var. Des inscriptions, indispensables au bon déroulement de son spectacle, qui conduisent pourtant le nouveau maire UMP à déterrer la hache de guerre. Gilbert Perugini, retenez ce nom, n’apprécie guère les subtilités du théâtre de rue, subventionné par la municipalité communiste sortante. Il fait aussitôt goudronner les formules illicites (« Je me révolte, donc je suis », Albert Camus…) en accusant la performeuse de « dégradation de l’espace public ». Ce n’est pas tout ! « Kristin », l’?uvre incriminée qui a reçu le prix 2008 des arts de la rue, comporte une scène où une ancienne majorette danse avec son bâton sur un drapeau français. Le maire de Cuers porte donc plainte contre la compagnie Orphéon, programmatrice du spectacle, hébergée et conventionnée par la ville, pour « outrage au drapeau ». Et ce n’est toujours pas fini ! Le premier magistrat suspend tous les spectacles à l’affiche d’Orphéon. Il tente aussi de changer les serrures de la bibliothèque du théâtre. « Dix pitres qui font leur truc et trois Cuersois qui regardent ! (…) Les électeurs n’ont pas demandé à subir çà », déclare au Monde Gilbert Perugini, l’amoureux transi des arts et des lettres. Sur son site de campagne, le nouveau maire a eu des jugements encore plus subtils, fustigeant le bilan de son prédécesseur comme « un désert culturel sidéral, englué dans des manifestations minables (fête de la musique, art de la rue…) ». La fédération nationale des « minables » des arts de la rue a lancé en retour une pétition de soutien : fin avril près de 3000 personnes, dont de nombreux artistes reconnus par le public et la critique, y ont déjà exprimé leur indignation… M.G

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