Fos-sur-Mer, conseil municipal du 8 février 2007
18h07 René Raimondi, maire socialiste depuis 2004, est absorbé par la lecture de son budget primitif 2007 qu’il assure « fidèle à l’action sociale et à l’humaniste de gauche ». Satisfait, il conclut : « La politique menée par l’équipe municipale depuis quatre ans a suscité quelques commentaires de nos nouveaux habitants, comme le rapporte La Provence du 22 décembre : « La ville respire la tranquillité », « une sécurité garantie »… ». Quelques protestations montent d’un public venu nombreux. A sa droite, la chaise de Bernard Granié, son prédécesseur, aujourd’hui adjoint à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire et président du Syndicat d’agglomération nouvelle Ouest Provence (San), est vide : depuis le 12 janvier il est incarcéré pour « corruption passive et trafic d’influence » dans le cadre d’un marché passé entre l’intercommunalité et une entreprise de recyclage.
18h15 L’opposition – installée à 1m50 du maire, de l’autre côté de la table ovale autour de laquelle siège le conseil -, est invitée à débattre. Jean-Claude Leseney (UMP) est le premier à s’y coller. « L’opposition est d’accord avec les orientations proposées, mais est choquée sur la forme », attaque sans entrain le seul conseiller de droite. Et de réfuter, sans grande conviction, les charges du maire contre « son » gouvernement. Taquin, il achève cependant sa laborieuse et courte prestation sur la sécurité. « On a flingué quelqu’un devant le cabinet médical, pour parler cru », rappelle l’élu. Aussi charismatique et convaincant que William H. Macy dans Fargo des frères Cohen, à qui il ressemble physiquement, René Raimondi s’empêtre dans des justifications inutiles : « Je ne reprenais que des phrases de Fosséens. Nous venons de signer un contrat local de sécurité car le travail n’est pas fini ».
18h20 Robert Mazan, maire de gauche sans étiquette de mars 2001 à décembre 2002, aujourd’hui leader de l’opposition, cède, royal, son tour à Jean-Louis Sanial, son colistier. Un peu moins poussif que son prédécesseur, il stigmatise la sous-utilisation du stade de la ville et son manque de maîtrise du développement économique (dévolu au San). Consciencieux comme le comptable qu’il est, René Raimondi prend le temps de répondre à toutes les remarques.
18h48 Pendant que les premières délibérations s’enchaînent, s’installe une horrible cacophonie dans la salle du conseil. Notamment au troisième rang du public, où, comme dans la chanson de Richard Gotainer, « trois vieux papis » commentent les débats. L’apathie de l’opposition, les économies de la ville en matière de chauffage rendent la séance effectivement peu attrayante… A l’image de la décoration de la salle : une bannière représentant la ville barrée de sa devise (« Fos, écrin de vie »), une Marianne, trois drapeaux (France, Europe et Fos) dressés devant la liste des « Morts au combat » et une espèce de c?ur vendéen local.
18h50 Les trois ténors de l’opposition s’amusent d’un (bon ?) mot de Robert Mazan.
18h57 Curieusement, René Raimondi oublie systématiquement de nommer l’épouse d’un particulier à la lecture de la délibération 9. Elle y apparaît pourtant cinq fois en 18 lignes.
19h02 Autour de la table du conseil, l’ambiance est désormais détendue et sereine. Ignorant un public déjà repoussé à une bonne dizaine de mètres, les élus d’opposition délaissent leurs micros lors de leurs rapides interventions. René Raimondi n’y prête aucune attention.
19h07 Sans autre forme de protocole, Catherine Brunelière, conseillère déléguée aux relations entre les parents d’élèves et les groupes scolaires, se lève et quitte la séance. Elle ignore même le maire qui la salue d’un air poli et surpris : « Au revoir Cathy ».
19h10 Grisé par la bienveillance de ses adversaires politiques, le premier magistrat oublie de faire voter la délibération 23. « Il y a trop d’unanimité, j’ai perdu l’habitude », explique-t-il dans une allégresse largement partagée par les conseillers.
19h26 L’euphorie de René Raimondi se refroidit subitement. La délibération 29 l’incommode visiblement. Elle propose de valider une modification des statuts du San proposée par… Bernard Granié. Pour conjurer le retour annoncé de François Bernardini à Istres, le grand absent de la soirée s’est empressé, mi-décembre, une semaine après l’élection de Nicole Joulia, la faire-valoir de Bernardini, de proposer un rééquilibrage des pouvoirs au sein de la collectivité. Calculé jusqu’à présent sur le poids démographique de chaque commune, la répartition des sièges doit désormais prendre en compte leur participation financière au budget intercommunal. Contributrice à hauteur de 86 %, Fos gagne trois délégués et pourrait rivaliser avec Istres. De quoi raviver quelques douloureux souvenirs. Retrouvant son micro et une certaine pugnacité, Robert Mazan annonce « une décision historique pour la commune ». Puis attaque : « Je me suis battu car la ville était spoliée. Je l’ai dit et répété, la répartition instaurée par François Bernardini était inégalitaire. Ca m’a d’ailleurs coûté l’élection en 2002. Pour un homme politique socialiste, il n’avait pas un grand c?ur ». « Le président (NDLR : Bernard Granié) a fait ce qu’il fallait pour renverser la vapeur au bon moment », se défend mal à l’aise le maire de Fos.
19h29 Sourd au désarroi du maire, Jean-Claude Leseney y va de sa petite pique. « On a l’impression qu’il s’agit d’une modification de circonstance », accuse le conseiller UMP, « c’est « je t’aime, moi non plus ». L’opposition de Fos a toujours dénoncé la mainmise de Bernardini sur la ville ». « Le Président avait ça en tête depuis quatre ans », insiste René Raimondi, ignorant (délibérément ?) que la loi autorise cette modification depuis 2004. Mais le nuage est passé, et c’est désormais en petits comités, autour de la table et dans le public, que le retour de François Bernardini est commenté. Soulagé, le maire annonce fièrement « un vote à main levée ». Curieusement, il aurait du le faire depuis le début de la séance… L’unanimité l’emporte de nouveau.
19h38 Pour la troisième fois de la soirée, René Raimondi décide de laisser un de ses conseillers s’exprimer. Il offre la lecture d’une délibération à Anne-Caroline Walter-Cipréo, déléguée pour la Sécurité routière. L’indisciplinée conseillère de la majorité a passé le conseil à converser avec son voisin de gauche. Elle a même déclenché l’hilarité générale en se battant avec son micro. Le maire part ainsi dans un fou rire, au point d’ôter ses lunettes pour s’essuyer les yeux, avant même que son élue n’attaque faussement naïve : « Faut lire tous les chiffres ? » Puis, de bon c?ur : « Y’en a plein ! » Succès assuré : elle conclut sous les applaudissements une lecture butée et régulièrement ponctuée de commentaires plats.
19h44 Alors que les conseillers s’apprêtent à lever le camp, Robert Mazan s’inquiète du contenu de l’ultime délibération (la location à un éleveur de terrains communaux) : « On pourra quand même aller chasser ? » Rassuré par le maire, il range à son tour ses affaires.
19h45 René Raimondi lève la séance apparemment satisfait : « Je vous remercie de ce conseil paisible dans un moment qui ne l’est pas ». Référence polie à un « adjoint » qu’il n’aura jamais cité ou soutenu ouvertement…
Jean-François Poupelin