Nous, embastillés, « ensardinés », encagés, confinés….
Condamné à 15 ans de réclusion criminelle en 2003 par la cour d’Assises des Alpes-Maritimes pour des faits que je n’ai pas commis, et à 20 ans dont 15 de sûreté par la Cour d’assises d’appel de Bouches-du-Rhône, en novembre 2005. Subissant une épreuve injuste voici mon témoignage au plus près de la vérité en toute objectivité sans haine ni colère sur l’ENFERMEMENT (*). En 2000, les parlementaires français ont rédigé deux rapports alarmants sur l’état des établissements pénitentiaires. Le Sénat avait dénoncé « une humiliation pour la République » et l’Assemblée nationale « une situation indigne». En 2004, les mêmes politiques constataient que « les conditions s’étaient encore dégradées. » En 2006, le rapport du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe se dit « choqué par la surpopulation chronique des prisons qui prive un grand nombre de détenus de leurs droits élémentaires. » Malgré ces constats alarmants, accablants, rien ne bouge ou si peu et nous, embastillés, sommes figés dans le temps pétrifié, ensardinés, encagés, confinés dans des lieux insalubres qui fabriquent des gens asociaux, habités par la ranc?ur, le désir de vengeance et de haine. Mais à quoi sert l’enfermement dans ces conditions inhumaines si ce n’est à casser tout ressort humain ? Le fonctionnement même de l’institution carcérale conduit les personnes à être infantilisées, déresponsabilisées. En prison, on ne nous demande pas de penser, on ne nous demande pas de réfléchir, on ne nous demande pas d’agir. Vous n’avez aucune marge d’initiative personnelle, individuelle. Surveillé, contrôlé, épié, minuté, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, même votre courrier intime est sous surveillance ! Avec le temps, les mois, les années qui passent, certaines facultés humaines sous-utilisées ou pas utilisées du tout, sont simplement anéanties.
La prison est un lieu extrêmement violent dans lequel les personnes ne connaissent que le rapport de force, le mensonge, l’hypocrisie, le paraître, les pressions psychologiques et physiques. Il est aberrant de penser que, dans de tels lieux, on puisse construire des citoyens que la loi appelle de ses v?ux à se réinserer. Dans les prisons françaises, des détenus se suicident tous les trois jours. Bien des personnes entrent en lambeaux, psychiquement, physiquement. Ils en ressortent en morceaux. Prison, où est ta victoire ?
Il est temps, grand temps, de mettre en place des peines qui prennent SENS (*), qui fassent appel à l’intelligence des détenus, qui relèvent les personnes, sans les abaisser. Il est nécessaire de développer, tout en les encadrant, des rencontres régulières entre détenus, surveillants, et personnels du service social et médical. Il est nécessaire de renforcer le maintien des liens familiaux en instaurant des parloirs plus fréquents et plus longs dans des lieux de vie et non dans des placards à balais. Savez-vous qu’en France on distribue des préservatifs dans les prisons ? Alors que celles-ci sont exclusivement peuplées d’hommes ! On autorise l’homosexualité mais pas l’hétérosexualité avec sa propre femme !
TOUTE L’HYPOCRISIE DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE EST RESUMEE LA, SA PROCEDURE D’AVILISSEMENT DELIBEREE. LA PRISON TELLE QU’ELLE EST AUJOURD’HUI N’A QU’UN ROLE : ENDURCIR OU DETRUIRE.
Messieurs les énarques, messieurs les politiques, que pensez-vous d’une personne, d’un être humain privé de vie affective, culturelle, sociale, professionnelle ? Vous en faites une bête ! Un chien dans un chenil a plus de droits et de respect qu’un être humain dans une prison française ! Pays qui se gargarise avec les Droits de l’Homme, avec le Droit tout court ! Comment réinsérer quelqu’un en le privant de ce qui fait un homme debout ? La prison a fait preuve de son échec. Le taux élevé de récidive en est la preuve. Il est temps, grand temps, que les politiques en prennent acte, qu’ils fassent preuve de courage et d’intelligence et qu’au nom de l’intérêt de la société, au nom du respect de la DIGNITE HUMAINE, ils en finissent avec la prison-poison, la prison-pourrissoir, la prison-destruction.
La prison n’est nécessaire que si elle aide l’homme à se tenir debout, à devenir humain. Espérons que « les états généraux de la condition pénitentiaire » sous l’impulsion de l’OIP et de Robert Badinter, engendreront un nouveau régime pénitentiaire qui considèrera les détenus comme des citoyens à part entière. Sinon la prison restera un enfer.
Noël Costa