Entretien avec Maryse Joissains : une citoyenne comme les autres
Dans un contexte de flambée des prix de l’immobilier dont souffrent les classes populaires et moyennes, pourquoi souhaitez-vous limiter la construction de nouveaux logements à Aix-en-Provence ?
Aix et le Pays d’Aix représentent un territoire harmonieux avec des espaces verts et des parcelles agricoles. Je refuse de mettre en danger son équilibre en construisant sans que les aménagements publics (station d’épuration, écoles, crèches, stades) puissent suivre. Arrêtons de nous limiter à une vision aixo-aixoise. Aujourd’hui, le nord du département offre des espaces et des villages qui pourraient être revitalisés. Le vrai problème n’est pas celui du logement mais du transport. C’est pourquoi je plaide depuis des années pour qu’un train de type RER relie Gap-Manosque-Aix-Marseille en un temps très court. Développer le transport est la seule façon de faire baisser la pression foncière.
Marseille revendique avec force, et parfois avec succès, son statut de ville universitaire. Au détriment d’Aix-en-Provence ?
Non seulement il n’y a pas de compétitivité, mais au contraire, il y a complémentarité. En accord avec les élus marseillais, nous remodelons le pôle universitaire Aix-Marseille pour une plus grande lisibilité internationale. Dans le cadre de l’aire métropolitaine, nous harmonisons les programmes. Cessons d’opposer Aix et Marseille dès lors que nous devons jouer ensemble sur la scène universitaire internationale !
Aix-en-Provence bat des records en matière de pollution atmosphérique. Etes-vous prête à assumer une politique de réduction de la place de la voiture au centre ville ? Si oui, comment ?
J’ai déjà commencé très concrètement à lutter contre le « tout voiture ». En développant les parkings en périphérie à 2 euros par jour, avec un système de navettes gratuites vers l’épicentre, en réservant des couloirs aux bus afin de leur permettre de respecter les horaires et d’être ainsi plus attractifs. J’ai aussi mis en place les diablines qui sont des véhicules électriques qui circulent dans le centre, et enfin, à l’occasion du renouvellement du marché du mobilier urbain, nous installerons 16 stations de vélos et 200 vélos à disposition des Aixois. Ce dispositif devrait être en place d’ici à 6 mois.
Le nombre d’enfants inscrits dans les écoles diminue. Avec la hausse des loyers et du coût de la vie, préjudiciable aux familles, un manque de places en crèches, y a-t-il un risque qu’Aix-en-Provence connaisse durablement un vieillissement de sa population ?
Il s’agit là d’un phénomène qui touche la grande majorité des villes du sud. D’ailleurs, les derniers chiffres de l’INSEE annoncent qu’en 2030 environ 34 % des habitants de la région Paca auront au moins 60 ans contre 23 % aujourd’hui. Il n’y a pas de raison qu’Aix échappe à la règle. Pour cette raison, plus que jamais notre population étudiante est importante pour la vitalité de notre territoire.
L’exposition sur Cézanne, l’inauguration du Pavillon Noir, le Festival d’art lyrique : Aix joue dans la cour des grands. Mais la politique culturelle aixoise laisse-t-elle de la place à autre chose que des réalisations de prestige ?
Je refuse l’idée qu’il y ait une culture élitiste et une « sous-culture ». C’est la raison pour laquelle j’ai, dès mon élection, demandé à ce que la politique tarifaire du Festival international prévoie des billets à des tarifs permettant l’accès à tous (15 euros). Parallèlement, j’ai introduit l’art lyrique dans les quartiers populaires en diffusant en direct sur écrans géants les opéras qui se jouent à l’Archevêché. Enfin, tous les grands projets culturels (Cézanne 2006, le Ballet Preljocaj, le Festival international, l’Académie de musique…) ont une partie pédagogique qui a d’ailleurs donné lieu à une convention avec le rectorat et permet d’ouvrir la culture à de nouveaux publics.
Des élus UMP, regroupés autour de Bruno Genzana, semblent tentés par une fronde. Après la rupture avec votre adjoint UDF de Peretti, pensez-vous pouvoir préserver la cohérence de votre majorité ?
Vous savez, les échéances électorales sont encore loin et j’estime qu’il y a trop de travail et de dossiers en cours pour se lancer déjà dans la campagne. Ma majorité est cohérente puisqu’elle vote l’ensemble des dossiers en conseil municipal. Ceux qui ont aujourd’hui des ambitions personnelles se retrouvent dans une situation paradoxale : ils critiquent ma gestion après l’avoir validée par leur vote en conseil municipal… Il est difficile dès lors pour eux d’être crédibles !
L’opposition dénonce la confiscation du pouvoir par un « clan Joissains ». Les hautes responsabilités de votre époux et de votre fille dans l’organigramme de la mairie et de la CPA ne constituent-elles pas un mélange des genres entre sphère familiale et politique ?
Les emplois qu’ils occupent sont des emplois dits « cabinet ». A ce titre, il est normal de recruter des personnes dont on connaît les compétences et en lesquelles on a confiance. Il est important de souligner que le jour où mes mandats se terminent, ces deux contrats de travail arrivent à terme. Ce n’est pas un cas isolé, et bon nombre de politiques ont recours à leurs proches pour des emplois de collaborateurs, dès lors qu’ils en ont les compétences.
Vos amis vantent votre liberté de ton, une des raisons de votre popularité. Vos adversaires dénoncent vos « dérapages verbaux ». Récusez-vous l’accusation de « populisme » ?
Si être populiste c’est être en empathie avec les personnes qui n’ont pas une vie facile, alors non seulement je ne le récuse pas mais je le revendique. Je suis une citoyenne comme une autre et je refuse de me laisser enfermer dans une sphère « supérieure » par ma fonction d’élue.
Quel est votre état d’esprit concernant la prochaine échéance électorale des élections législatives ?
Serein. Je pense que l’échéance présidentielle va être décisive. De mon côté, mon rôle de député m’a permis d’obtenir de grands dossiers pour Aix et le Pays d’Aix (ITER, l’ENSOSP, les pôles de compétitivité, Cézanne 2006). Actuellement, nous nous battons pour que la déconcentration de l’Institut de radioactivité et de sûreté nucléaire, qui compte 400 scientifiques, s’effectue sur l’Europôle de l’Arbois. Mon statut de parlementaire va me permettre de discuter au plus haut niveau de l’Etat, puisque la décision est gouvernementale.
Quel regard portez-vous sur les querelles qui divisent votre opposition socialiste, déchirée entre les partisans de M. Pezet et ceux de M. Medvedowsky ?
Pour être très honnête, je regarde cela de loin. Il est vrai qu’à Aix nous sommes plus habitués à une « droite » aux candidatures multiples et à une « gauche » disciplinée. Tout cela est affaire d’ambition personnelle. Certains préfèrent privilégier leurs intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.
Serez-vous candidate, quoi qu’il arrive, lors des prochaines élections municipales ? Y compris en cas de défaite lors des élections législatives ?
Oui, je pense que je serai candidate à un second mandat. J’ai initié des projets que j’aimerais pouvoir finir. Mais vous savez, je suis très sereine, je sais que tout peut arriver et qu’en matière de scrutin rien n’est joué d’avance. Je travaille et les Aixois décideront.
Propos recueillis par Michel Gairaud