Pavillon orange sur l’environnement marin

octobre 2006
En redonnant une impulsion à son économie maritime, la région Paca pourrait dégrader à nouveau un milieu naturel déjà malmené... Même si des précautions sont prises, la vigilance est toujours de mise.

Sacrée bonne aubaine ! S’intéresser aux risques écologiques dans un dossier sur l’économie de la mer promettait la bonne fortune et quelques confidences de choix à l’énoncé, par exemple, d’un entendu « plaisance ». De quoi remplir rapidement quelques feuillets. Erreur ! Les temps semblent avoir heureusement changé. Les législations successives (loi littoral qui a quasiment gelé la construction de nouveaux ports, les sanctions pour dégazages…), les programmes de préservation de l’environnement (comme Natura 2000) et même les élus locaux en aménageant leurs ports et leurs espaces marins (containers pour les déchets organiques, bouées pour amarrer les bateaux de plongée) ont, selon les scientifiques et les écologistes, non pas inversé la tendance, mais au moins limité la casse. D’autant que les usagers de la mer se montrent de plus en plus sensibles à l’environnement sous-marin.

« On est sur la bonne voie », affirme Jean-Georges Harmelin, chercheur attaché au CNRS du Centre d’Océanologie d’Endoume. Expert dans la phase 1 de l’étude de l’extension du port de Monaco (une digue flottante), il pose un regard plutôt positif sur le projet : « Sans savoir ce qui va réellement être proposé, on est très loin du Monaco d’il y a quelques années. Un service environnemental est très actif et les problématiques écologiques ont été prises en compte ». 00rv34charmag_mer1.jpg Les actions en faveur de la préservation de l’herbier de posidonie, le poumon vert de la Méditerranée, semblent également porter leurs fruits. « Si le passage à l’acte est encore difficile, faire attention à ce qu’il y a sous la mer entre dans les m?urs. De plus en plus de plaisanciers mouillent aujourd’hui sur le sable », juge Christelle Masclef, coordonnatrice des projets de l’Atelier bleu, une association ciotadenne ?uvrant dans l’éducation à l’environnement et sur sa préservation. Mieux, les pollutions héritées du passé commencent à être nettoyées. Contaminée par les épaves de la marine nationale, les boues de dragage, les produits chimiques, les pollutions portuaires et les rejets d’assainissement, la rade de Toulon bénéficie depuis 2002 d’un Contrat de baie visant à rétablir son système écologique. D’abord porté par le Mouvement pour la rade de Toulon (Mart) (1), le projet a finalement retenu l’attention des élus et des administrations. Parmi les 157 actions planifiées jusqu’en 2007 (100 millions d’euros d’investissement) (2), une nouvelle usine d’assainissement (qui permettra également une récupération et une réutilisation des eaux traitées) a été mise en service et la création d’une unité pilote dans le traitement des boues de dragage a été lancée. « Surtout, il a permis la mise en place d’une culture de contrat de baie chez tous les partenaires. Même la marine nationale a évolué. Fin 2006, elle devrait lancer les travaux d’assainissement de l’arsenal », se félicite Jean Ecochard, président du Mart.

Cependant tout n’est pas bleu sur les côtes méditerranéennes. « Dans la région, nos représentants manquent de culture de la mer », regrette Jean Ecochard. Sans dédouaner plaisanciers et autres plongeurs, après s’être pliés, pas toujours de bonne grâce, à la mode écologique, les élus semblent vouloir faire machine arrière. Un projet d’assouplissement de la loi littoral est ainsi à l’étude à l’Assemblée nationale depuis 2004 et nos sénateurs bataillent ferme pour que seuls les nouveaux bateaux soient équipés de toilettes. La Belle bleue n’est donc pas près de se vider de nos merdes ! Par contre, elle risque fort de voir son environnement sous-marin se modifier, voire disparaître. « Il est plus menacé par les rejets d’azote et de carbone dans l’atmosphère, donc par le réchauffement climatique, que par le nautisme. Mais sur ce problème, l’action des pouvoirs publics est très faible, ainsi qu’on le voit dans les grandes citées industrielles comme Marseille. Ils sont plus intéressés par les estimations de morts en cas de canicule », peste Richard Sempéré, directeur de recherche au Centre d’Océanologie de Marseille.

Quant à la protection des richesses naturelles maritimes, la complaisance du préfet et de Jean-Claude Gaudin lors des actions des pêcheurs pour empêcher la venue du Rainbow Warrior II, fin août au large de la cité phocéenne, montre tout l’intérêt qu’ils leur portent. Greenpeace voulait pourtant simplement dénoncer la surexploitation du thon rouge, en voie de disparition. Si la tendance se confirme, Renaud ne pourra même plus chanter « la mer c’est dégueulasse, les poissons baisent dedans. »

J-F. P.

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