La machine à laver algérienne
Les 29 du mois sont décidément des moments propices aux référendums. Le dernier en date concerne nos voisins algériens. En effet, c’est en plein mois d’août que le gouvernement algérien a annoncé son projet de « charte pour la paix et la réconciliation nationale », projet qui a fait l’objet d’un référendum le 29 septembre dernier. Les Algériens des deux rives de la Méditerranée se sont donc prononcés sur un projet qui promet le pardon aux islamistes armés qui ont ensanglanté le pays durant près d’une décennie. En somme comme l’écrit le quotidien algérien francophone El Watan : « une amnistie générale ». Cette charte, si elle a eu le soutien de l’ensemble de l’appareil gouvernemental, est loin de faire l’unanimité, que ce soit dans l’opposition qui a appelé au boycott ou au sein des diverses associations de défense des droits de l’homme. Quant à la communauté algérienne résidant dans la région (rappelons que 70.000 personnes étaient appelées à se prononcer pour les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse, 24 000 dans le Var, les Alpes Maritimes, la Corse et à Monaco…), elle a fait l’objet de toutes les attentions de la part de ses représentants consulaires. Campagnes d’affichettes (essentiellement pour le oui) et meetings avec des envoyés gouvernementaux pro oui (comme le ministre délégué aux Affaires étrangères Abdelkader Messahel) uniquement sur carton d’invitation !
Mais si le débat fut minimaliste, il ne fut pas pour autant inexistant. D’autres structures ont pris la relève et amorcé un début de débat. « Les associations berbères ont été les seules à donner un point de vu différent » nous explique Adjali Malik, citoyen franco-algérien et syndicaliste FO à Gardanne. « Les Berbères en Paca, dans leur majorité ont respecté l’appel au boycott lancé par les partis politiques comme le FFS (Front des forces socialistes) ou bien ont voté non. » D’autres, observateurs avisés des pratiques politiques des Algériens de la région, comme Aziz Bensadek, président de Radio Galère à Marseille et membre de l’association RAP (Rassemblement pour une Algérie progressiste), explique que « les gens ne connaissent même pas le contenu exact de la charte, et n’ont comme seule source d’information, par le biais de la parabole, que les infos télévisées algériennes. Ils n’ont donc eu qu’un seul son de cloche ! » Et de poursuivre dépité : « La pseudo campagne a été centrée autour de Bouteflika, on est passé du parti unique à l’homme unique. » Pour Kader Bekar, écrivain et délégué général de l’association Medcoop : « Les immigrés algériens ont une position paradoxale vis-à-vis de ce référendum, et de l’action de leur gouvernement en général. Ils émettent des critiques sur ce qui se fait et en même temps sont très légitimistes par rapport à tout ce qui est officiel. C’est en quelque sorte une manière de contribuer à distance au fonctionnement du pays. » « Amnistie » souhaitée par le gouvernement, « amnésie » décriée par exemple par le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA) qui, de passage à Marseille le 26 septembre, annonçait par la voix de sa présidente Nassera Dutour : « On n’est pas contre la paix, mais on souhaite qu’elle ne se fasse pas au détriment des disparus et de ceux qui les espèrent. ». Quant aux harkis, la réconciliation algérienne se fera apparemment encore une fois sans eux : « On n’a jamais rien attendu de Bouteflika » lance Salim, animateur culturel à Mas Thibert prés d’Arles.
Enthousiasme pour certains, indifférence voire rejet pour un grand nombre d’autres, si le résultat du scrutin n’a guère fait de doutes, c’est aussi à cause de l’incroyable ironie de la question, car comme l’écrivent nos confrères d’El Watan : « Jamais dans l’histoire de l’humanité, un pays n’a, à travers une opération référendaire, posé la question à son peuple s’il était pour ou contre la paix ! »
Rafi Hamal